— Par Selim Lander —
Trois films indiens programmés par Tropiques-Atrium en ce mois de février (2019). Et pour commencer, à défaut d’India Song, un autre « film du patrimoine » sous les espèces du Fleuve de Jean Renoir. A voir pour son caractère patrimonial, justement, et parce que, en dépit du caractère plus que convenu du scénario (un prince charmant – capitaine américain blessé à la jambe lors de la première guerre mondiale – débarque dans une famille perdue quelque part au bord d’un fleuve, en Inde où le papa expatrié dirige une fabrique de jute et naturellement les jeunes filles de la maison tombent immédiatement amoureuses), le film ne manque ni de fraîcheur ni d’humour. Rien de tel, hélas, avec Maya de Mia Hansen-Lowe, pitoyable arlequinade (le scénario digne des pires bouquins de la collection Arlequin) où ce qui était léger et pittoresque chez Renoir devient lourd et ennuyeux. Ici c’est une jeune fille de la grande bourgeoisie indienne qui tombe immédiatement sous le charme du filleul de son papa, lequel filleul, jeune journaliste français a besoin de se ressourcer (il est né en Inde) après avoir passé quatre mois dans les geôles des djihadistes syriens. Dans le Fleuve, on ne couchait pas, un simple baiser sur la bouche suffisait pour détruire la magie. Rien de tel dans Maya, évidemment, modernité oblige, mais le pire est dans la misère du scénario : on sait tout de suite que le journaliste, quoi qu’il en ait, finira par succomber aux manœuvres aguicheuses de Maya, comme on devine que la maison de vacances dont il a hérité dans une villégiature indienne finira par brûler à cause des méchants promoteurs désireux de récupérer le terrain. Un film qui n’a aucune chance d’entrer dans le patrimoine et à oublier d’urgence.
Rien de tel avec Monsieur (Sir) de la réalisatrice Rohena Gera, un petit bijou où les sentiments sont ciselés avec une infinie délicatesse (voir la photo). Dieu sait pourtant que le thème des amours ancillaires ne s’y prête guère a priori. Il s’agit donc de l’histoire d’un jeune ingénieur parti aux Etats-Unis pour satisfaire une vocation littéraire et contraint de rentrer au pays quand son frère aîné, qui devait succéder au père, promoteur immobilier, décède brutalement. Ashwin pousse le dévouement jusqu’à vouloir épouser la fiancée de son frère défunt mais renonce à la veille du mariage. Il se retrouve alors seul dans son bel appartement moderne avec la domestique Ratna. Bien qu’ils soient tous les deux d’une pudeur et d’une retenue extrêmes, les phéromones circulent, évidemment. Aux spectateurs de découvrir la suite. Disons simplement que cela les changera de la vulgarité qui envahit si souvent les écrans de nos jours, que la fragile Ratna porte le sari à merveille, qu’Ashwin montre une tendresse désarmante et qu’ils sont aussi émouvants l’un que l’autre. Dire aussi que les cadrages sont particulièrement soignés ainsi que les couleurs le plus souvent en demi-teinte comme les sentiments, que les personnages secondaires ne sont pas si secondaires et que le film ne cache rien des inégalités qui subsistent dans l’Inde contemporaine.