Inauguration des stèle et Place Georges Raveneau

—Par Guy Flandrina —

raveneau_georgesVille de Sainte-Marie, 19 septembre 2015

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député-Maire,
Mesdames, Messieurs les officiels en vos titres, grades et qualités,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis.

La famille RAVENEAU m’a confié la charge, très honorable, de prononcer cette allocution en hommage à l’un des siens ; victime d’un attentat terroriste.
La ville de Sainte-Marie ne s’est pas trompée en voulant honorer la mémoire de Georges RAVENEAU, homme de haut vol. L’un de ses prestigieux fils qui fut l’un des tout premiers martiniquais pilotes d’avions transatlantiques.

S’ouvrir au Monde, voyager, tutoyer les cieux, approcher les dieux… voler, piloter, c’étaient : son métier, sa philosophie; sa vie !
Le 19 septembre 1989, alors commandant instructeur du DC 10 d’UTA, Georges RAVENEAU est abattu en plein vol avec ses 170 passagers.
La barbarie aveugle lui a coupé les ailes, brisé des vies et éparpillé ses rêves dans le désert du Ténéré au Niger.

En s’élevant dans les airs, Georges RAVENEAU savait que la mort rôdait autour de lui. En effet, cinq mois avant l’attentat meurtrier, il rédigeait un rapport à l’attention de la Direction Générale de l’Aviation Civile. Il y dénonçait l’absence de mesures de sécurité efficaces au départ des vols d’Afrique.
Ses écrits sont restés lettres mortes ; l’Histoire lui aura, malheureusement, donné raison, emportant sa vie comme pour attester une terrible preuve…
Certes ! 6 libyens ont été condamnés par contumace mais ils n’ont jamais été arrêtés. Ils sont restés libres dans leur pays !
Des familles meurtries ont, elles, été larguées dans une réelle détresse morale et financière après la disparition, déjà si douloureuse, d’un ou de plusieurs de leurs proches. Alors, on a évalué leur haine potentielle, estimé leur peine réelle, négocié sur les cercueils −à peine fermés− et calculé le montant des morts au prix de la raison d’Etat.
La famille RAVENEAU a, elle, dignement refusé le marchandage de son silence, l’achat de sa conscience, contre un plat de couscous du dictateur libyen Mouammar KADHAFI. Et la France, la France des « Droits de l’Homme », dit-on, s’invitait, elle, à la table du diable !
François RAVENEAU, frère du pilote assassiné, affirmait dans le FA du 19 octobre 2002 qu’il mènerait le combat, au nom des siens, jusqu’à ce qu’il « ferme les yeux », pour que ce crime soit reconnu, puni et indemnisé comme il se doit.
Aujourd’hui, 26 ans jour pour jour après le drame, des élus samaritains, la population samaritaine, des martiniquais en nombre, démontrent, ici, que la famille RAVENEAU n’est pas seule dans son combat pour la Vérité et la Justice !
Notre présence sur cette Place est l’affirmation que si nous savons être « Charlie », nous pouvons aussi être « Georges » ou « Clarissa ». Il s’agit de la même solidarité, de la même fraternité contre la barbarie terroriste qui frappe indistinctement, ici ou là, tout ce qui ne lui ressemble pas.
Notre différence, celle qui nous rassemble dans nos diversités, est celle-là même qui nous distingue de la sauvagerie, de la barbarie ! C’est cette différence qui fit dire à Confucius qu’au milieu des barbares il faut rester soi-même.
La Civilisation : c’est le Respect de chaque humain dans sa manière d’être et de penser. C’est aussi, ici, ce qui peut faire notre force : l’enrichissement par l’acceptation tolérante de l’Autre dans sa différence.
A l’instar de Jacques PRÉVERT qui pensait à la liberté pour l’oiseau, Georges RAVENEAU aurait voulu que l’on ouvre la cage où est emprisonnée la fraternité humaine. Aujourd’hui, à Sainte-Marie, celle-ci déploie ses ailes et l’espoir renaît !
Avec Paul ELUARD nous savons que « la nuit n’est jamais complète. Il y a toujours (…) au bout du chagrin, une porte ouverte ».
Ici, sur cette place Georges RAVENEAU, celle de notre mémoire collective s’ouvre comme une promesse d’avenir…
Guy FLANDRINA,
Place Georges RAVENEAU
(Ville de Sainte-Marie)
Le 19 septembre 2015