— Par Selim Lander —
La chorale Arpège a ouvert cette onzième édition des Rencontres Cinémas Martinique (RCM) avec quelques morceaux agréables, le plus souvent bien connus du public qui remplissait la grande salle de l’Atrium. Une chorale de jeunes filles, nombreuses, habillées de robes colorées sur des jupons blancs agrémentés de dentelles. Ces morceaux, accompagnés par une petite formation orchestrale, et entrecoupés des discours de rigueur, n’avaient que l’inconvénient d’être trop longs. On a apprécié l’idée de les accompagner sur grand écran d’extraits de films, même si le rapport entre l’image et la musique n’était pas toujours aussi évident que pour Buena Vista Social Club.
En tout état de cause, on était venu pour le film d’ouverture, London River, un film français de Rachid Bouchareb tourné à Londres avec des comédiens s’exprimant la plupart du temps en français. Ousmane, la vedette masculine, qui ne parle pas l’anglais, ne cesse de rencontrer des personnages connaissant le français, y compris sa partenaire principale, Elisabeth, pourtant présentée comme une paysanne. En réalité, son personnage est plutôt celui d’une petite bourgeoise, veuve, imprégnée des préjugés racistes de sa classe. Quand elle débarque de son paisible havre de Guernesey en plein « Londonistan », cela lui fait évidemment un choc. Elle est à la recherche de sa fille étudiante, laquelle ne donne plus signe de vie alors que Londres vient d’être victime d’attentats meurtriers perpétrés par des islamistes (en 2005). Là, elle rencontre un autre parent, un père, malien, à la recherche de son fils. Comme il apparaît assez vite que les deux enfants sont amis et même amants, les parents sont contraints de socialiser (en dépit des réticences de madame). Cela n’ira pas sans heurts mais, finalement, au moment de se séparer, la maman de l’une se jettera dans les bras du papa de l’autre. Happy end donc, au moins de ce côté-là, car pour ce qui est des enfants, c’est une autre histoire…
Le film se ramène à peu de choses. On comprend immédiatement que les deux parents finiront par s’entendre et par s’apprécier mutuellement. Quant aux enfants, leur disparition et leur silence sont trop anormaux pour ne pas être inquiétants. Par ailleurs, le film est d’une parfaite rectitude politique. Si l’on ne cache pas que les auteurs des attentats sont islamistes, on ne voit à l’écran que des musulmans exemplaires, polis et serviables avec la femme blanche. Il y a certes un imam, mais c’est un jeune homme vêtu à l’occidentale auquel on donnerait le bon dieu sans confession (ce qui n’est malheureusement pas le cas de tous les imams…)
Comparé à Julietta, le dernier Almodovar, qui raconte également la quête d’une fille par sa mère, le propos de London River (pourquoi River ?) est minimaliste. Pas de flash back sur la fille enfant, aucune explication sur le fait qu’elle ait pu partir en voyage en France sans en avertir sa mère, etc. Idem pour le fils d’Ousmane. Bouchareb se concentre sur la rencontre des deux parents en proie au désarroi. Rien à dire sur le jeu des deux grands comédiens que sont Sotigui Kouyaté (père d’Hassane Kouyaté) et Brenda Blethyn. Ils ont fait ce qu’on leur a demandé de faire : le vieillard hiératique pour l’un, la petite bourgeoise un peu simplette pour l’autre, sans jamais sortir du registre imposé. Le défaut majeur du film tient, comme on l’a dit, à l’absence totale de suspense. Comme on baigne d’emblée dans le politiquement correct, il est immédiatement évident que les préventions racistes d’Elisabeth ne tiendront pas jusqu’au bout et qu’elle finira dans les bras (mais quand même pas dans le lit !) d’Ousmane.
RCM – 17 juin 2016