Le Premier ministre conservateur Scott Morrison a été chassé du pouvoir lors des législatives de samedi en Australie, dont les résultats ont traduit un rejet cinglant des électeurs à l’égard de son inaction contre le changement climatique.
Selon des projections publiées par la chaîne ABC après dépouillement de la moitié des suffrages, le Parti travailliste d’Anthony Albanese emporte le plus grand nombre de députés à la Chambre des représentants.
Mais avec seulement 72 sièges assurés jusqu’à présent, il n’était pas encore certain de décrocher la majorité absolue de 76 députés nécessaire pour former un gouvernement sans devoir se trouver un allié.
« Ce soir, j’ai parlé au chef de l’opposition et au nouveau Premier ministre, Anthony Albanese, et je l’ai félicité pour sa victoire électorale », a néanmoins déclaré M. Morrison en reconnaissant sa défaite.
Quelque 17,2 millions d’électeurs étaient appelés à choisir les 151 sièges de la Chambre des représentants pour un mandat de trois ans. Quarante des 76 sièges du Sénat étaient également renouvelés pour six ans.
Après trois années marquées par des catastrophes naturelles majeures et par la pandémie, les Australiens ont plébiscité un nombre inhabituel de « petits » candidats pro-environnement qui pourraient détenir les clés du pouvoir.
Les « teals » plebiscitées
Le Parti vert et les candidats indépendants surnommés « teals » (les « sarcelles ») – pour la plupart des femmes hautement qualifiées prônant la défense de l’environnement, l’égalité des sexes et la lutte contre la corruption – étaient en passe de conquérir une série de circonscriptions urbaines traditionnellement dévolues aux conservateurs.
« Les gens ont dit que la crise climatique est un sujet sur lequel ils veulent agir », a exulté Adam Bandt, leader du Parti vert.
« Nous venons de connaître trois années de sécheresse, puis des incendies et maintenant des inondations et encore des inondations. Les gens peuvent le voir, c’est en train de se produire, c’est en train de s’aggraver », a-t-il ajouté.
La défaite de M. Morrison met fin à neuf ans de règne des conservateurs sur l’immense pays-continent.
La campagne électorale s’est focalisée sur la personnalité de MM. Morrison et Albanese, les candidats des partis traditionnels, reléguant les idées politiques au second plan.
Mais les jeunes Australiens sont de plus en plus en colère contre les politiques pro-charbon du gouvernement, les difficultés pour trouver un logement abordable et la mauvaise utilisation de l’argent public.
« J’ai grandi dans une communauté qui a été très fortement touchée par les incendies et les inondations au cours des cinq dernières années », a raconté dans un bureau de vote de Melbourne Jordan Neville, qui votait pour la première fois. « Si quelque chose pouvait être fait pour empêcher que cela se reproduise, ce serait incroyable ».
M. Morrison a résisté aux appels à réduire plus rapidement les émissions de carbone de l’Australie d’ici 2030, et soutient sans réserves l’industrie du charbon, un des moteurs de l’économie du pays.
A la traîne dans les sondages depuis un an, il s’est prévalu de la reprise économique et d’un taux de chômage actuellement au plus bas depuis 48 ans. Il a dépeint son rival travailliste comme un « électron libre » inapte à diriger l’économie. Mais il a souffert d’une faible popularité personnelle et d’accusations de malhonnêteté.
Samedi, M. Albanese avait quant à lui demandé aux électeurs de donner à son parti de centre-gauche « une chance » de diriger le pays, et exhorté les gens à rejeter un Premier ministre « clivant ».
Le leader travailliste – qui a lui-même été décrit comme fade et peu inspirant – a mis l’accent dans les derniers jours de la campagne sur les manquements présumés de M. Morrison.
Les Australiens « veulent quelqu’un qui soit juste, quelqu’un qui admettra ses erreurs », a-t-il plaidé.
Il s’est engagé à mettre fin au retard pris par l’Australie en matière de lutte contre le changement climatique, à aider les personnes confrontées à la flambée des prix et à renforcer la participation des populations indigènes à l’élaboration de la politique nationale.
Il pourrait maintenant, pour gouverner, devoir conclure des accords avec des candidats exigeant des mesures plus fermes en matière de climat, risquant ainsi de s’attirer l’ire des factions de son parti favorables au charbon et aux syndicats miniers.
Source : AFP / La Nouvelle République