— Par Ana Damas de Matos —
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié une estimation qui examinait une période allant de 2006 à 2018. Selon elle,l’immigration rapporte plus qu’elle ne coûte et a permis à la France de gagner au moins 10 milliards d’euros chaque année. Au moins parce que ce calcul prend en compte les dépenses envers les adultes et les enfants ainsi que les bénéfices directs des adultes mais pas les bénéfices à long terme des investissements dans les enfants.
Abstract
L’impact fiscal des immigrés, à savoir si les immigrés sont des contributeurs nets ou une charge pour les finances publiques, est régulièrement au centre du débat public sur la migration. La pression accrue qui pèse sur les finances publiques en raison de la pandémie de COVID-19 ramènera inévitablement la question de l’impact de l’immigration sur le marché du travail et les finances publiques sur le devant de la scène politique. Il est donc essentiel dans ce contexte de disposer de données fiables, actualisées et comparables à l’échelle internationale sur l’ampleur des contributions des immigrés et sur les coûts qu’ils représentent pour les pays d’accueil. Ce chapitre estime l’impact budgétaire net annuel des immigrés dans 25 pays de l’OCDE sur la période 2006-18. Il présente également une analyse systématique des différences entre les personnes nées à l’étranger et celles nées dans le pays pour chaque poste de dépenses et de recettes publiques, ainsi qu’une analyse détaillée des déterminants socio-économiques de la situation fiscale des immigrés.
Le chapitre a bénéficié des contributions de Xavier Chojnicki, Lionel Ragot et Bhargavi Sakthivel.
En bref
Principaux résultats
Le présent chapitre compare l’incidence budgétaire de l’immigration dans 22 pays européens de l’OCDE, en Australie, au Canada et aux États-Unis, sur une période de 13 ans, de 2006 à 2018, en utilisant une méthodologie commune.
Dans tous les pays, la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations est supérieure aux dépenses que les pays consacrent à leur protection sociale, leur santé et leur éducation.
La contribution des immigrés est suffisamment importante pour couvrir entièrement leur part des dépenses publiques consacrées aux biens publics congestibles (soumis à congestion) et pour financer en partie les biens publics purs, tels que la défense et les frais de la dette publique, dans une grande majorité de pays. En 2017, la contribution des immigrés au financement des biens publics purs a représenté un total de 547 milliards USD dans les 25 pays inclus dans l’analyse.
Lorsque l’on inclut l’ensemble des dépenses publiques, la contribution budgétaire nette totale des immigrés reste positive dans environ un tiers des pays étudiés. Dans environ la moitié des pays, on enregistre une contribution par habitant plus élevée pour les immigrés par rapport aux personnes nées dans le pays.
La contribution budgétaire nette totale des immigrés est continuellement faible sur la période 2006-18, étant comprise entre -1 % et +1 % du PIB dans la plupart des pays. Elle dépend de la taille et de la composition de la population immigrée, ainsi que de la structure du budget public du pays d’accueil, et elle varie au cours du cycle économique.
Le fait d’inclure dans le calcul les enfants d’immigrés nés dans le pays ajoute un coût d’éducation relativement important. La contribution budgétaire nette totale des immigrés diminue d’un demi-point de pourcentage du PIB en moyenne. Toutefois, ces résultats sont biaisés parce qu’ils ne tiennent pas compte des impôts et des cotisations sociales versés une fois adultes par les enfants d’immigrés nés dans le pays.
Dans presque tous les pays, les dépenses publiques par habitant sont moins élevées pour les immigrés que pour les personnes nées dans le pays. Mais la contribution par habitant des immigrés est moins importante que celle des personnes nées dans le pays dans la quasi-totalité des pays. En moyenne, dans l’ensemble des pays, les dépenses par habitant au titre de la vieillesse et de la survie, de la maladie et de l’invalidité, de l’éducation et de la santé sont moins élevées pour les personnes nées à l’étranger que pour les personnes nées dans le pays. À l’inverse, les dépenses par habitant au titre de la famille et des enfants, du chômage, de l’exclusion sociale et du logement sont en moyenne plus élevées pour les personnes nées à l’étranger.
La composition différente de la population immigrée dans les pays de l’OCDE explique en grande partie les écarts entre les pays en termes de situation budgétaire des immigrés par rapport aux personnes nées dans le pays. Les différences au niveau de la répartition par âge des immigrés, par rapport aux personnes nées dans le pays, expliquent à elles seules 60 % des écarts entre les pays en termes de situation budgétaire relative des immigrés. En outre, les immigrés ont une situation budgétaire davantage positive dans les pays où la population immigrée se compose principalement de travailleurs immigrés récents que dans les pays qui accueillent principalement des immigrés pour raisons humanitaires.
Dans les pays européens de l’OCDE, les immigrés d’âge de forte activité (25-54) qui sont nés dans un autre pays de l’UE jouissent d’une situation budgétaire plus favorable que les immigrés qui sont nés en dehors de l’UE.
Dans la quasi-totalité des pays, plus de la moitié des immigrés sont d’âge de forte activité, soit la tranche d’âge dont la contribution budgétaire nette est la plus favorable. La contribution budgétaire nette des immigrés d’âge de forte activité reste toutefois inférieure à celle de leurs homologues nés dans le pays.
L’écart budgétaire entre les immigrés et les personnes nées dans le pays qui appartiennent à des classes d’âge de forte activité tient davantage aux cotisations moindres des immigrés qu’à des dépenses publiques accrues consacrées aux étrangers, et cet écart est plus marqué chez les personnes très instruites.
Le taux d’emploi moins élevé des immigrés explique en grande partie l’écart des contributions. Combler l’écart d’emploi entre les personnes d’âge de forte activité nées à l’étranger et nées dans le pays, qui ont le même âge et le même niveau d’études, pourrait accroître la contribution budgétaire nette totale des immigrés de plus de 0.5 % du PIB en Belgique et en Suède, et de plus d’un tiers de point de pourcentage en Autriche, au Danemark, au Luxembourg et aux Pays-Bas.
Sur la période 2006-18, la contribution budgétaire nette des immigrés a le plus diminué dans les pays où la part des immigrés âgés a le plus augmenté au cours de la période, comme en Lituanie ou en Lettonie. À l’inverse, l’amélioration de la situation budgétaire des immigrés a été la plus marquée dans les pays qui ont récemment accueilli d’importants effectifs de travailleurs immigrés hautement qualifiés, comme au Royaume-Uni.
La contribution budgétaire nette totale des immigrés, de même que celle des personnes nées dans le pays, est fortement procyclique. Si, dans de nombreux pays de l’OCDE, les immigrés ont davantage perdu leur emploi pendant la crise financière mondiale, leur situation budgétaire s’est détériorée de la même manière que celle des personnes nées dans le pays.
Les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19 mettent en péril les améliorations observées récemment en matière d’insertion des immigrés sur le marché du travail. Cela suppose de maintenir, sinon d’accroître, les investissements consentis dans l’insertion sur le marché du travail des immigrés installés et de ceux arrivés récemment, compte tenu du rendement budgétaire très élevé de ces programmes.