— Par Yves-Léopold Monthieux —
Par ces temps d’élections, il est commode pour les élus de savonner la pente du populisme. L’arrivée de Marocains en Guyane se prête bien à l’expression d’une xénophobie facile et sans risque de conflit intérieur et de voisinage. Les déclarations d’élu(e)s qui disent s’appuyer sur la population laissent sans voix. Les incidents qui opposent ces derniers aux immigrants, phénomène qui fait davantage que montrer le bout du nez en Martinique, sont la preuve que le lepénisme n’est pas l’apanage de la famille Le Pen. Le réflexe se retrouve à des degrés divers jusque chez les plus chatouilleux des progressistes. Lesquels ne s’expriment guère ces jours-ci en Guyane, alors que les discours d’ostracisme vont plutôt bon train. On aimerait bien entendre sur la xénophobie en terre amazonienne celle qui a pu expérimenter l’ostracisme sous d’autres cieux et à ses dépens, Mme Christiane Taubira.
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Plus généralement, les situations réelles se moquent des principes et les choses ne feront que s’accentuer. Les pays « nantis » ne pourront pas longtemps encore continuer à ne s’occuper que des inégalités domestiques, des inégalités de classe. On ne pourra pas toujours être intransigeants et souvent « arrogants », comme disait Césaire parlant de nos pays dits assistés, soucieux de jouir paisiblement de son niveau de confort qui est au-dessus de la moyenne mondiale, et vivre dans l’indifférence totale à l’égard de ces pays où des femmes et des enfants meurent pour nous assurer ce confort. Voyez comment sont cultivées et surtout préparées les noix de cajou dont on ne se rassasie pas dans nos pays. A cet égard, tout appel à la justice sociale du travailleur européen peut être regardé comme une volonté d’accroissement de la discrimination à l’égard de son correspondant indien ou vénézuélien.
Même si ce confort ne serait que du niveau des malheureux « gilets jaunes », il est parfaitement injuste au regard de ces femmes et ces enfants qui ne sont pas protégées socialement et qui, décortiquant ces noix à mains nues, finissent par perdre l’usage de leurs membres et leurs vies. Le phénomène n’est pas tout à fait le même pour le cas de Marocains qui sont de « passage » en Guyane et qui ne résulte pas d’un même niveau de pauvreté et de misère. Mais c’est une affaire de degré, qui invite à considérer les vrais « damnés de la terre » qu’avaient été les H’mongs.
Le mot « internationale » a disparu des mots d’ordre des partis politiques de gauche qui ont en quelque sorte choisi la « préférence nationale » au moment même où les moyens de communication donnent un sens aigu au vocable. Les évènements qui se passent en Guyane ou en France et qui commencent timidement à se produire en Martinique ne cesseront pas de rappeler que les inégalités à corriger sont d’ordre mondial et que leurs expressions, qui s’imposeront aux mieux lotis de la terre, ne font que commencer.
Fort-de-France, le 17 juin 2021.
Yves-Léopold Monthieux