— Par Benjamin Jérôme —
Aujourd’hui, les deepfakes, vidéos truquées hyper-réalistes, mentent mieux que jamais. Décryptage d’un phénomène aussi bluffant qu’alarmant.
L’association Solidarité Sida a créé une « fake news » où Donald Trump annonce que le VIH est éradiqué. Solidarité Sida
Son travail a de quoi inquiéter. Hao Li, chercheur allemand installé en Californie, est un pionnier des deepfakes, ces vidéos trafiquées grâce à l’intelligence artificielle qui permettent de faire dire n’importe quoi à n’importe qui. Comme de montrer Donald Trump annonçant l’éradication du sida. Ce clip choc, qui a fait le buzz début octobre, était une fake news imaginée à dessein par l’association française Solidarité Sida pour relancer la mobilisation contre la maladie.
Dans ce deepfake, les postures et le visage du président américain permettaient de deviner l’imposture. Mais pour combien de temps encore? « Nous sommes déjà capables de générer des vidéos dont il est pratiquement impossible de savoir, à l’œil nu, si le contenu est réel ou non », prévient Hao Li, qui nous répond depuis l’un de ses deux laboratoires de recherche. L’homme, qui passe son temps en conférence ou auprès de ses étudiants, a aussi monté sa start-up, Pinscreen, spécialisée dans la création sur ordinateur d’avatars photoréalistes. « Les deepfakes peuvent être utilisés pour répandre de fausses informations, et violer la vie privée des utilisateurs », s’inquiète le spécialiste, conscient des dérives possibles.
Bien sûr, on savait déjà qu’une photo pouvait être retouchée. Dès les années 1930, en Union soviétique (URSS), le régime stalinien efface des clichés officiels de partisans tombés en disgrâce. On savait aussi que le cinéma trichait. En 1902, Georges Méliès montre une fusée tombée dans l’œil de la Lune.
Un siècle plus tard, les effets spéciaux ont atteint des sommets de sophistication. En 2014, pour remplacer l’acteur Paul Walker, décédé dans un accident de voiture, et achever le tournage de Fast and Furious 7, la production fait jouer les frères du disparu et leur ajoute ses traits par la suite, avec l’aide technique du même Hao Li.
La photo d’une situation inexistante mais réaliste
Mais jusqu’à présent, une vidéo type reportage, captant le réel, restait au-dessus de tout soupçon. Surtout si elle était retransmise en direct. C’était sans compter sur l’avènement de l’intelligence artificielle. En 2014, le chercheur Ian Goodfellow et son équipe inventent les « réseaux antagonistes génératifs » (« GAN »), capables d’ingurgiter des millions d’images pour générer la photo d’une situation inexistante… mais réaliste…
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