— Par Roland Tell —
L’affaiblissement progressif de la raison politique au sein du MIM, depuis près de cinquante ans, a entraîné aujourd’hui, 7 Septembre 2018, ce spectacle de nuit, où un président blafard, par désir de vengeance, s’est rué, avec ses troupes, sur d’anciens partisans, tout noirs, obscurs, et nocturnes, pour les assiéger de toutes parts à l’Espace DD, et donc les menacer du plus haut mal politique ! Mais hélas, blanche est encore sa face, où joue l’ombre de sa colère, contre ceux qu’aujourd’hui il appelle les « fractionnistes »- autrefois, pourtant, son peuple de servants, son peuple de suivants ! En effet, n’a-t-il pas naguère découvert la politique nue et sauvage, au milieu de ceux-ci, dans un processus de libération, où tous ensemble s’efforçaient de transformer la Martinique, en y faisant surgir un autre univers de rapports, plus apparenté à leurs rêves, à leurs colères, à leur angoisse, à leur mélancolie ?
C’est le temps, où il fallait, coûte que coûte, se libérer aussi du langage rationnel de la politique, nullement fait pour exprimer la singularité de visage pâle de notre chef indépendantiste – visage trop chargé de connotations historiques, sur la chaussée des hommes martiniquais. Alors, ô rires, ô chansons, ô tambours, aux chantiers du changement, nos manipulateurs historiques, aujourd’hui « fractionnistes », le baptisèrent « Chabin » dans les eaux glauques de la Rivière Pilote. C’est ainsi qu’est née la créature qu’ils ont créée, par la répudiation des bonnes manières d’alors. Ils ont congédié le savoir-vivre, pour la passion dévorante du scandale permanent, des luttes, des catastrophes politiques. Faire du politicien, ainsi engendré, leur « fils », offert à la Martinique, pour l’aventure considérable de l’indépendance.
A partir de là, la politique du MIM pénètre dans les régions de l’obscurité, à toutes les étapes de son ascension. L’obscurité s’est épaissie à l’heure de la CTM. Alors, l’œuvre politique, patiemment mise en œuvre par les dits fractionnistes – œuvre, plus impatiente que jamais de faire ses preuves au pouvoir, va finir par prendre des voies interdites. L’alliance avec la droite, la plus droitière de Martinique, va enlever à jamais aux créateurs d’hier, fractionnistes d’aujourd’hui, l’art d’applaudir, et le désir de se taire ! Brisés, disloqués, ne sachant plus comment subsister politiquement, socialement, ils vont faire procès, plus que sécession. Attitude suicidaire de mépris de leur passé même, ils en appellent à la justice française – phénomène, qui peut être décrit comme un glissement vers la trahison idéologique, un renversement des valeurs jusque là prônées ! Mais leur parfait désespoir a été déplacé vers le dehors, ce soir de décembre 2015, où leur créature politique les a « tués », politiquement, avec une sûreté remarquable. Aussi, face au pouvoir du vide électoral, où ils se trouvent, en appellent-ils à un administrateur judiciaire, au motif de principes démocratiques, dénonçant à l’envi les orientations vicieuses de leur ancien protégé, ainsi que les laideurs de sa gestion de parti. Ils n’avaient qu’une seule stimulation, celle de faire réparer, réparer, réparer, les graves préjudices commis à leur cause, sans jamais avoir compris qu’ils étaient depuis toujours dans l’empire nocturne d’une dictature de parti. Eux aussi avaient quitté, pour leur héros frauduleux, à l’égo strictement centré sur lui-même, toute leur raison logique, toute leur sagesse pratique, pour entrer, eux aussi, dans l’irrationnel. Hélas, ces femmes et ces hommes, les plus hauts, et les meilleurs des militants, se sont retrouvés tout nus, ce soir de décembre 2015, abandonnés, sans moyens d’aller vers les avenirs tant attendus de la Collectivité Territoriale – là où, aujourd’hui déguisé, poudré, pomponné, transfiguré, sous les caméras des télévisions, leur chef au visage pâle, leur unique créature, ne veut plus les reconnaître !
Un processus, comme celui ici décrit, a de quoi troubler. Pourquoi le Chef en question, constamment à la recherche d’une forme d’épiphanie, aux perspectives changeantes, la tête toujours ivre de grandeur, a-t-il volontairement créé cette catastrophe, cette tragédie, de militants fidèles, au demeurant d’ailleurs ses concepteurs de toujours ? Pourquoi s’est-il volontairement éloigné d’eux, après les avoir tant utilisés dans le passé ? Certes, il les a durablement blessés par ses réactions tyranniques, avec aujourd’hui encore à l’Espace DD, fort de toute sa troupe, selon une violence méticuleuse et vigilante, une indépendance ombrageuse et superbe, pour maintenir intacte sa vertu de Chef suprême dans son intégrité, avec les exigences de celle-ci, ses mystères, obstiné qu’il veut paraître dans son sillon de président. Car il doit tout dominer, par narcissisme, par sa folle passion pour lui seul, mais aussi par nécessité de croissance, même si son ascension à la la tête de la Martinique doit être une somme de destructions. Jusqu’où ira cette politique déviée, vouée à la toute-puissance du Président de la CTM ?
ROLAND TELL