— Par Jean-Pierre Maurice —
C’est l’histoire d’un grand rêve inachevé. Celui d’Aimé CÉSAIRE le poète, auteur de ces vers bien connus : « Quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre au carnaval des autres ? «
J’en prends pour exemple la demande insistante d’une évolution institutionnelle de la part du président du conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique, qui poursuit un objectif louable : celui de la responsabilité martiniquaise. Sauf que la population martiniquaise considère avec méfiance ce projet de ses dirigeants jugés parfois trop souvent occupés à leurs affaires (dans un système où personne n’est puni) et éloignés des réalités du terrain.
Car tous ici connaissent bien les avantages de l’Etat-providence.
Bien sûr il faut mieux faire et la départementalisation décentralisée fourmille de vices cachés ; mais pas seulement ceux qu’on croit.
En effet, à l’opposé des beaux discours, ce sont injustices, inégalités et absence de perspectives d’amélioration qui font le sort quotidien de Monsieur ou Madame tout le monde, « Ti Sonson » comme on dit chez nous, provoquant les coups de gueule citoyens sur les radios de l’île, le désenchantement de beaucoup et la fronde d’une partie de la jeunesse.
Il n’y a pas si longtemps, un certain rapport de la Chambre Régionale des Comptes révélait, aux yeux de tous, d’invraisemblables irrégularités dans la gestion martiniquaise d’un secteur clé de l’île : celui du traitement des déchets.
« Les faits ne cessent pas d’exister parce qu’on les ignore », rappelait si bien Aldous Huxley.
Si la Martinique veut vivre en paix, si la Martinique veut vivre mieux, elle doit vite revenir à la raison et cesser d’ignorer les faits et tous ces signaux d’alarme.
Les mots, pas plus que les délégations de pouvoir ne suffiront pas à juguler ces difficultés de tous ordres.
La crise martiniquaise est profonde et elle va durer. Cela impose à tous les acteurs de trouver des solutions de court terme et de moyen terme, pour améliorer la vie au quotidien des citoyens et éviter tensions et instrumentalisation.
Pour cela, l’action locale devra être repensée et aussi contrôlée, pour éviter les objectifs mal appropriés, l’inertie ou même les abus. Pour cela, les moyens régaliens de l’Etat (justice, police, administrations de l’Etat…) devront être effectivement mobilisés : jusqu’ici, trop nombreux sont les domaines où la loi n’est pas appliquée et où l’Etat regarde ailleurs. Cela doit changer !
Il n’est pas trop tard !
Faute d’accepter de s’adapter à cette nouvelle donne, la Martinique court aujourd’hui le risque de déclin général et de marginalisation d’une partie grandissante de sa population.
Si rien n’est fait, dans le cadre de l’Etat de droit et des lois de la République, la Martinique court le risque de voir les impatiences se muer en tensions, les tensions en affrontements physiques… Un dangereux engrenage, n’est-ce pas ?
Jean-Pierre MAURICE