— Collectif —
A l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, qui se tient chaque année le 10 octobre, le collectif Santé mentale 2025, composé d’associations, d’élus et d’acteurs du secteur, appelle, dans une tribune au « Monde », à faire de la santé mentale une priorité des politiques de santé publique afin de libérer la parole, de combattre les préjugés et d’adresser un message d’espoir à des millions de Français.
En France, une personne sur deux sera atteinte d’un trouble psychique au cours de sa vie, et environ un adulte sur cinq en souffre à tout moment : plus de 12 millions de personnes sont à ce titre concernées chaque année, selon le rapport 2023 « La santé mentale en France et dans les pays de l’OCDE », de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé.
Le coût économique et social des maladies psychiatriques pour le pays a récemment été évalué à 109 milliards d’euros par an ; de plus, ces troubles constituent la première cause d’années de vie vécues avec un handicap et d’années de vie en bonne santé perdues chez les 10-24 ans.
Ces chiffres illustrent l’importance de la santé mentale [alors que la Journée mondiale de la santé mentale est organisée, le 10 octobre, à l’initiative de l’Organisation mondiale de la santé et de la Fédération mondiale pour la santé mentale], et en particulier la psychiatrie, comme enjeu individuel et collectif de santé publique. Pourtant, nous, personnes vivant avec un trouble psychique, familles, aidants, accompagnants, professionnels de santé mentale, acteurs du secteur social et médico-social, chercheurs, constatons chaque jour le décalage entre les déclarations d’intention à ce sujet et la réalité.
Une recherche sous-financée
La réalité, c’est qu’entre 40 % et 60 % des personnes vivant avec un trouble psychique ne bénéficient aujourd’hui d’aucun soin ni accompagnement ; que les centres médico-psychologiques, les hôpitaux de jour et les services de psychiatrie sont saturés et, que faute de moyens adaptés, le dépistage et la prise en charge précoce et la délivrance de soins diligents restent un vœu pieux.
La réalité, c’est que près de 30 % des postes de psychiatre et 50 % des postes de pédopsychiatre sont vacants dans les établissements répondant à la mission de service public.
La réalité, c’est que le recours aux pratiques coercitives d’isolement et de contention reste encore massif ; que les accompagnements médico-sociaux et sociaux restent notoirement insuffisants pour soutenir l’inclusion sociale, scolaire et professionnelle.
La réalité, c’est que les proches aidants et les professionnels du soin et de l’accompagnement sont épuisés, et que les personnes vivant avec un trouble psychique paient le prix fort : retard d’accès aux soins, rupture dans les parcours de soins et de vie, hétérogénéité des soins selon les territoires, perte de chance, non-respect des droits fondamentaux, discriminations et exclusion sociale.
La réalité, c’est que la recherche en santé mentale est sous-financée.
Certes, davantage de place a été donnée à la politique de la santé mentale en France ces quinze dernières années, et un délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie a été nommé en 2019. Néanmoins, il nous faut être encore plus ambitieux et faire de la santé mentale une grande cause nationale pour 2025 : ce que nous avons su faire hier pour la sécurité routière ou le cancer, menant à des progrès fulgurants, nous pouvons le faire demain pour la santé mentale.
Une prise en charge précoce
Ensemble, nous pouvons sensibiliser la population générale à la santé mentale et changer les regards sur les personnes vivant avec un trouble psychique et celles qui les accompagnent. Nous pouvons convaincre de l’importance d’un dépistage et d’une prise en charge précoce des troubles psychiques, agir sur les politiques publiques pour une psychiatrie de service public ambitieuse. Nous pouvons optimiser significativement le parcours de soins, et donc participer à l’amélioration de la qualité de vie des personnes vivant avec un trouble psychique.
Ensemble, nous pouvons refondre l’organisation des soins et des actions d’insertion afin de promouvoir un accompagnement global, centré sur les besoins des personnes concernées. Nous pouvons valoriser les savoirs expérientiels des personnes vivant avec un trouble psychique, garantir leurs droits et leur dignité.
Ensemble, nous pouvons accélérer l’identification et la diffusion des « pratiques orientées rétablissement » – qui permettent de reprendre le contrôle de sa vie et de trouver sa place dans la société –, et mobiliser les financements en faveur de la recherche en santé mentale.
Faire de la santé mentale une grande cause nationale permettrait d’ouvrir des perspectives, de libérer la parole, de combattre les préjugés et d’adresser un message d’espoir à des millions de Français. Tous ensemble, faisons de ce rêve notre réalité.
Premiers signataires de la tribune : Marie-Sophie Desaulle, présidente de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires ; Jean-Carles Grelier, député (Renaissance) de la Sarthe, coprésident du groupe d’études Santé mentale ; Chantal Jourdan, députée (PS) de l’Orne, coprésidente du groupe d’études Santé mentale ; Marine Lardinois, vice-présidente de l’Association des jeunes psychiatres et des jeunes addictologues (AJPJA) ; Marion Leboyer, directrice de la Fondation Fondamental ; Denis Leguay, président de la fédération Santé mentale France ; Pierrick Le Loeuff, délégué général du Collectif national Inter-GEM (Groupe d’entraide mutuelle)/Cnigem ; Pascal Mariotti, président de l’Association des établissements du service public de santé mentale ; Didier Meillerand, fondateur du mouvement Psychodon ; Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques ; Deborah Sebbane, présidente de l’AJPJA.
Retrouvez la liste complète des signataires de la tribune à cette adresse.