Au rythme où évolue la situation actuellement, il faudra probablement près de 300 ans pour parvenir à l’égalité des sexes, prévient l’ONU dans un nouveau rapport publié mercredi.
Selon ce rapport, publié par ONU Femmes et le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA), les défis mondiaux, comme la pandémie de COVID-19 et ses séquelles, les conflits violents, les changements climatiques et les attitudes négatives à propos de la santé et des droits sexuels et reproductifs des femmes aggravent davantage les disparités entre les sexes.
Le document, intitulé « Les progrès vers la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) : la situation sur le genre en 2022 », souligne qu’au rythme actuel, l’ODD 5 – la réalisation de l’égalité des sexes – ne sera pas atteinte d’ici 2030.
Des crises en cascade
« À un moment où nous sommes arrivés presque à mi-parcours sur la voie vers 2030, les droits des femmes et de l’égalité des sexes ont atteint un point décisif. Il est essentiel que nous nous rassemblions maintenant pour investir en faveur des femmes et les filles afin de reprendre et d’accélérer les progrès à accomplir. Les données montrent indéniablement des régressions dans leur vie, qu’aggrave la crise mondiale – que ce soit en matière de revenus, de sécurité, d’éducation ou de santé. Plus nous prendrons du temps pour inverser cette tendance, plus le coût s’accroîtra pour nous toutes et tous », a déclaré Sima Bahous, Directrice exécutive d’ONU Femmes.
Selon Maria-Francesca Spatolisano, la Sous-Secrétaire générale à la coordination des politiques et aux affaires interorganisations à DESA, « les crises en cascade partout dans le monde mettent en péril la réalisation des ODD, et les groupes de population les plus vulnérables, en particulier les femmes et les filles, subissent un impact disproportionné à cet égard. « L’égalité des sexes est la base qui permet d’atteindre tous les ODD, et elle devrait se situer au cœur des intentions de reconstruire en mieux », a-t-elle ajouté.
Sans une action rapide, les systèmes juridiques qui ne permettent pas d’interdire la violence à l’égard des femmes, ne protègent pas les droits des femmes dans le mariage et la famille – par exemple en refusant aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants ou d’hériter – ne leur assurent pas un salaire et des avantages égaux au travail, ne garantissent pas l’égalité des droits des femmes en matière de propriété et de contrôle foncier pourraient se perpétuer pendant des générations à venir.
Éradiquer le mariage des enfants
Au rythme actuel des progrès, le rapport estime qu’il faudra jusqu’à 286 ans pour que les lacunes en matière de protection juridique et la suppression des lois discriminatoires soient comblées, 140 ans pour que les femmes soient représentées sur un pied d’égalité dans des positions de pouvoir et de leadership sur le lieu de travail, et au moins 40 ans pour qu’une représentation égale dans les parlements nationaux soit atteinte.
Pour éradiquer le mariage des enfants d’ici 2030, les progrès devront être 17 fois plus rapides que ceux réalisés au cours de la dernière décennie ; autrement, les filles venant des ménages ruraux les plus pauvres et des zones touchées par les conflits seront les plus affectées.
Le rapport fait également ressortir une inversion inquiétante dans la réduction de la pauvreté, et la hausse des prix sera susceptible d’exacerber cette tendance. À la fin de 2022, environ 383 millions de femmes et de filles vivront dans une extrême pauvreté (avec moins de 1,90 dollar par jour) contre 368 millions d’hommes et de garçons. Par ailleurs, nombreuses seront celles dans la plupart des régions du monde qui devront affronter un manque de revenus leur permettant de répondre aux besoins de base tels que la nourriture, l’habillement et un hébergement adéquat. Si les tendances actuelles se maintiennent, les femmes et les filles de l’Afrique subsaharienne qui vivront en 2030 dans une pauvreté extrême seront plus nombreuses qu’aujourd’hui.
L’invasion de l’Ukraine et la guerre en cours dans ce pays aggravent l’insécurité alimentaire et la faim davantage, en particulier chez les femmes et les enfants, en limitant l’approvisionnement en blé, en engrais et en combustible, et en alimentant l’inflation. En 2021, environ 38% des ménages dirigés par des femmes dans les zones touchées par la guerre ont subi une insécurité alimentaire modérée ou grave, contre 20% des ménages dirigés par des hommes.
Sommet sur la transformation de l’éducation
Dans le cadre du Sommet sur la transformation de l’éducation qui se tiendra en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, le rapport fait ressortir que l’éducation universelle des filles pourrait améliorer considérablement cette perspective, même si elle ne sera pas suffisante en soi. Chaque année supplémentaire de scolarisation peut augmenter le revenu d’une fille jusqu’à 20%, une fois devenue adulte, et il peut être accompagné d’impacts supplémentaires en termes de réduction de la pauvreté, de meilleure santé maternelle, de mortalité infantile plus faible, de meilleure prévention du VIH et de réduction de la violence à l’égard des femmes.
Le rapport montre que la coopération, les partenariats et les investissements dans les programmes en faveur de l’égalité des sexes, accompagnés de financements accrus aux niveaux mondial et national seront essentiels pour corriger le parcours actuel et remettre l’égalité des sexes sur la bonne voie.
Source : Nations Unies