— Par Serge Letchimy —
Monsieur le Premier ministre, Interrogé sur TF1, vous avez tenu des propos au sujet de la colonisation qui raisonnent comme un aveu : celui d’une France, qui au-delà de la reconnaissance symbolique du crime contre l’humanité que constitue l’esclavage, affiche le déni de repentance, pour ne jamais répondre au besoin vital de reconnaissance et de réparation des millions de victimes de la colonisation.
La repentance, c’est une question de conscience.
La reconnaissance et la réparation, ce sont des questions liées au respect légitime de la dignité humaine et de l’exigence d’égalité. L’une est une responsabilité individuelle. L’autre est collective et publique.
Elle relève de la responsabilité républicaine pour l’unité et l’avenir de la Nation.Si nous condamnons, comme vous, toutes formes d’intégrisme, nous refusons pour autant que la France, par votre voix, efface les trois siècles de son histoire au cours desquels elle a mis en oeuvre l’une des pires barbaries qu’ait connu l’humanité. Face à toute forme d’intégrisme, nous devons oeuvrer à l’essentiel : le respect de la dignité humaine, le respect de l’État de droit, le respect des libertés individuelles et collectives. Si la laïcité constitue, nous le croyons tout autant que vous, un socle essentiel de progrès, c’est bien parce qu’elle est une garantie d’égalité, de liberté d’expression mais aussi de liberté de conscience et de croyance.
C’est là l’intransigeance sur laquelle nous pouvons reconstruire l’unité de la Nation et le vivre ensemble.
Mais pour restituer à chacun de ses membres, sa pleine et entière dignité dans une commune humanité, la France doit s’engager dans un vaste programme de lutte contre les inégalités socio-raciales, contre toutes les formes de fractures sociales.
Cela passe immanquablement par la reconnaissance du poids de colonisation et de l’esclavage dans la formation historique de ces inégalités. l est dès lors plus que temps, monsieur le Premier ministre, de s’extraire du déni des réalités post-coloniales dans lequel vous restez, je le crains, enfermé.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma haute considération.
Serge Letchimy