— Par Roland Tell —
Infidèles à leurs principes, les partis, constituant l’alliance de gestion à la CTM (droitistes, centristes, indépendantistes) mènent, de plus en plus, une politique de ressentiment contre le monde social martiniquais. Que d’antagonismes engendrés ici ou là par un régime sans précédent de licenciements, particulièrement significatifs, et premièrement déterminants, s’agissant de l’idéal historique envisagé, donc de son image prospective, à laquelle aspirent les tenants majoritaires de l’alliance au pouvoir. Sommes-nous déjà dans la phase utopique du séparatisme, préparant les réalisations temporelles futures ? En effet, sans avoir jamais fourni une explication du contenu de sa politique à la CTM, le Président Exécutif, particulièrement cynique, ne cesse de condamner la lourdeur des effectifs de la Collectivité, oubliant que ce n’est pas sa conscience de partisan, qui détermine la vie humaine à la Martinique, mais ce sont les conditions et les formes de vie, les besoins, les tendances du peuple martiniquais, qui, seuls, déterminent la conscience collective, de plus en plus conditionnnée par l’éducatif, l’économique, le social.
La doctrine des trois idéologies, composant la majorité à la CTM, cherche à isoler, de plus en plus, l’individu martiniquais dans une forme de prolétariat, se référant, plus que jamais, à un chef-dictateur, seul porteur d’espérance dans une Martinique de la nécessité. Tout ce qui se rapportait auparavant à la démocratie, à la primauté de l’économie, à la liberté d’autonomie, est désormais remplacé par la conception du leader maximaliste, qui a réponse à tout, qui a mainmise sur tout, envers qui nul travailleur ne saurait affirmer un quelconque vouloir, une quelconque indépendance. Donc leader collectif, jouissant de plein droit des grâces du scrutin populaire, seigneur et maître d’un peuple de serviteurs ! C’est pourquoi la vie martiniquaise devient invivable dans sa racine démocratique, comme si celle-ci, pourtant bien chère depuis l’Assimilation, avait rencontré, dans sa progression historique, quelque infection idéologique vulgaire, détruisant sa dignité de peuple !
Trois idéologies, certes, où les trahisons sont aujourd’hui paiements, en Conseillers de ceci, ou en Conseillers de cela, régnant dans le mauvais, dans l’illusoire, dans le dérisoire, où chaque décision prise par l’un ou par l’autre des alliés, est suspectée elle-même d’avoir fait un bâtard, mais aussi et surtout trois erreurs politiques, désormais soumises à la haine des temps électoraux à venir. La première erreur n’est-elle pas de faire de la Martinique le domaine exclusif d’un homme autocrate, exerçant une autorité sans limite, tout en marquant, de plus en plus, une forme d’animalité sociale, au sein de notre vie commune, à l’endroit, par exemple, des clameurs discordantes de mères de familles licenciées ! Car, ce qui importe le plus, n’est-ce pas, c’est la primauté vitale de l’argent sur le travail – l’argent public, qu’on ne dépense pas par inertie, par instinct de dissociation dépensive. De quel pouvoir tient-on ce plein pouvoir de ne pas dépenser pour le travail ?
La deuxième erreur a ses racines dans le temps présent, c’est la corruption de la politique elle-même. La conquête de la CTM, c’est la transformation recherchée de la politique, vécue comme un art de jouir du pouvoir. Salut l’Artiste de la nuit de décembre 2015 ! L’expérience militante ramène alors le politicien, considéré de droite ou du centre, au lieu caché des puissances dévorantes de l’ambition personnelle, où la subjectivité entière est, pour ainsi dire, rassemblée dans un état de surenchère de promesses, de prébendes, de postes, en écartant, au plus juste, les obstacles de l’échec, donc en faisant taire les concepts de parti. C’est alors l’entrée dans un état de connaissance obscure, inexprimée, mais savoureuse. Un tel état fait, du contrat d’alliance, une parole écrite, dont l’essence est la jouissance du pouvoir, afin de vivre, dans l’exaltation et l’enthousiasme, les heureuses activités de la réalité de gouvernance. D’où surtout l’effondrement des barrières habituelles de l’idéologie !
Au fil des années depuis décembre 2015, ne constatons-nous pas, chez les uns et les autres, combien ils sont heureux de s’être soulagés du fardeau de leurs propres idées ? C’est que, être politicien pour eux, c’est avoir de l’appétit pour le malaise, qu’ils vivent intérieurement, dont la consommation quotidienne, en tant que Président de ceci, ou Conseiller Exécutif de cela, provoque, avec les missions sonnantes et trébuchantes du mandat exercé, une félicité à nulle autre pareille. C’est comme si le Président de la CTM avait soufflé sur chacun la fraîche haleine de la nuit de décembre 2015, pour fournir à tous l’esprit des profondeurs internes de son oeuvre politique. Alors, depuis, c’est devenu leur monde, leur ordre vital ! Oui, oui, salut l’Artiste ! Force est de constater l’emprise qu’il a sur eux tous, de droite comme du centre. Tout est ligoté en eux, dans leur quiétude somnolente, et leur esprit dormant d’alliés, de plus en plus délestés du réel martiniquais.
La troisième erreur, enfin, concerne le tout social, le visage politique de la Martinique pour l’avenir. Y-a-t-il une morale en politique ? Si oui, comment demain défaire ce qui a été fait ? Le mal, commis en décembre 2015, parasitant auourd’hui la vie sociale et le développement économique, comment le réparer dans l’avenir, afin de redresser, dans le sens du bien commun, toutes les conséquences néfastes d’aujourd’hui ? Quelle éthique politique mettre en oeuvre désormais, afin que la Martinique se trouve cicatrisée, guérie, dans l’existence de demain, au sein de la Caraïbe ? Quelle morale, quels principes, quelles forces, pour retrouver une existence historique de justice sociale et de réalisme économique ?
C’est la phase d’inspiration qui s’ouvre désormais, après le mauvais mélange de trois idéologies. Rien n’est plus nécessaire à la grande oeuvre politique de demain que l’inspiration, comme mouvement d’idées, que tout envahit ! Les élus de demain, ceux qui auront en charge la Martinique, devront avoir l’inspiration pleinement développée, la liberté d’autonomie, pour lui donner forme nouvelle, celle d’une source de progrès, simultanée au processus entier d’évolution attendue, sans concession sécessionniste de licenciements, sans guerre intérieure avec les réprouvés du « prolétariat », mais plutôt selon une solidarité, une conscience collective, portée à un niveau élevée, en vue de la dignité du travail, de la dignité aussi de la personne humaine dans le travailleur, quel qu’il soit. L’inspiration politique, attendue des élus et dirigeants de demain, demande nécessairement l’attention soutenue d’hommes et de femmes, à jamais purifiés du régime politique, vécu aujourd’hui ! D’où intelligence consciente pour l’oeuvre politique de demain, lucidité, et liberté d’autonomie, pour faire la Martinique, selon une structure démocratique organiquement constituée, pourvue d’un Exécutif, libre de toute autre préoccupation que celle du bien commun.
ROLAND TELL