— Par Culture Egalité —
Lorsque l’on se promène autour du groupe scolaire Saint-Joseph de Cluny, à hauteur de l’abribus, on peut apercevoir un panneau qui se dresse à environ une dizaine de mètres de l’entrée, au niveau du ralentisseur – ce qui permet de bien lire son message. Et ce texte a de quoi surprendre. Il semble provenir d’une affaire purement privée : apparemment un garçon s’adresse à une jeune fille, lui reproche de le tromper et affirme en avoir des preuves.
Cependant, le gigantesque QR code suivi de l’injonction « Scan me » qui entrecoupe le texte semble, lui, bien s’adresser au grand public. Le voyeur alléché, le/la parent.e choqué.e ou la féministe indignée qui scanne le code est dirigé.e, à sa grande surprise, vers une page Instagram qui se dévoile en plusieurs temps :
– Une des images porte le nom d’une boutique : « L’Homme ».
– Une autre présente quelques exemples de produits sûrement proposés par ladite boutique : des vêtements et des accessoires exclusivement masculins, ainsi que des annonces de promotions débutant par : « Messieurs… ».
Le visiteur/la visiteuse comprend alors qu’une tentative a été faite pour fabriquer un univers exclusivement masculin :
– Le nom de la boutique, avec l’emploi de l’article défini « L’ » (et du H majuscule), qui connotent l’homme en soi, dans l’absolu.
– La mise en valeur de ce nom par sa position centrale, le jeu de couleurs et la taille des polices (le mot « Homme » tranche sur l’article « L’ », qui est beaucoup plus petit).Tout cela montre une représentation masculine magnifiée. Les images publicitaires et l’adresse exclusive aux « Messieurs » renforcent cette impression, donnant le sentiment d’une présence masculine dominatrice, voire totalitaire.
Ces procédés pourraient certes s’admettre dans une publicité promouvant une boutique dédiée aux vêtements et accessoires masculins.
Mais alors, on s’interroge : pourquoi le premier mot de cette publicité est-il un prénom de femme assorti d’une accusation plus ou moins infamante et de menaces de « preuve » plus ou moins accablantes ?
Nous comprenons alors la fonction de ce panneau : l’histoire racontée n’a rien à voir avec ce qui suit. Nous ne verrons pas de photos d’Emmy ; l’interpellation de cette dernière n’avait pour fonction que d’attirer l’attention du passant par une accusation stigmatisante et de le retenir par la promesse de photos croustillantes !
L’habileté de cette publicité réside dans le sous-entendu de l’existence de photos qui ne seront jamais montrées, et qui de toute façon ne pourraient pas l’être, puisque les féministes ont obtenu que la loi interdise l’utilisation de l’image des femmes pour vendre des produits qui ne leur sont pas destinés.
Tenu auprès d’un établissement voué à l’éducation d’enfants et d’adolescent.es des deux sexes, ce type de discours contribue à accentuer les malentendus entre filles et garçons, femmes et hommes. Il renforce cette culture du sexisme et de la misogynie dont les conséquences sociales et humaines sont très coûteuses, voire trop souvent catastrophiques. Il pourrait même être perçu comme un encouragement, sinon carrément un appel à la violence sexiste !
En conclusion, nous accusons les responsables, plutôt que de faire preuve de créativité, d’utiliser avec cynisme, à des fins purement commerciales, les vieux ressorts du voyeurisme, du sexisme et de la misogynie, voire du harcèlement et du « revenge porn », sans aucun scrupule moral et sans souci de leur coût social.
CE a bien sûr, déposé une plainte auprès du Jury de Déontologie Publicitaire. Mais celui-ci, qui a certainement peu de moyens et assurément peu de pouvoir, mettra des semaines, voire des mois, à prononcer une condamnation symbolique. Pendant ce temps, ces individus, ayant fait leur buzz, seront passés à autre chose et trouveront une nouvelle astuce pour contourner la loi et s’en moquer. Et nous, féministes, continuerons à lutter avec nos faibles moyens contre les conséquences désastreuses de cette dégradation de l’environnement social, qui se déclinent en violences sexistes allant jusqu’au féminicide !
C’est pourquoi nous adjurons les diverses autorités (chef.fes d’établissement, responsables de parent.es d’élèves, chef de l’édilité…) de réagir selon les pouvoirs qui leur sont délégués pour faire cesser ces provocations à la violence et cette atteinte délibérée à la paix sociale et à la dignité d’une partie de la population.
Huguette pour Culture Égalité