— Par Anne Lambert, Laetitia Langlois —
Les horaires atypiques de travail, tôt le matin, le soir, la nuit, le samedi et/ou le dimanche, ont progressé ces dernières décennies suite aux lois favorisant la modulation du temps de travail et étendant le recours dérogatoire au travail dominical. Quelles catégories socioprofessionnelles ont été les plus touchées par cette évolution ? Les femmes ont-elles été affectées de la même façon que les hommes ?
Les inégalités sur le marché du travail ont longtemps été examinées au travers des seules questions du statut d’emploi, du salaire et de la durée du travail. La répartition des heures et jours de travail dans la semaine soulève également d’importants défis pour les familles et la santé des salariés [1, 2, 3]. Si la « journée de bureau » s’est progressivement imposée comme la norme de référence au cours du XXe siècle, les horaires standards sont numériquement en recul. En 2019, 37 % des salariés de l’Union européenne travaillent ainsi habituellement en horaires non standards, c’est-à-dire le soir, la nuit, le samedi et/ou le dimanche. Plusieurs évolutions ont favorisé le développement des horaires atypiques de travail : l’essor de l’économie numérique et du travail à la demande, aussi appelée « ubérisation » de l’économie ; le vieillissement de la population et la hausse des besoins en matière de soins aux personnes âgées ; les changements dans les modes de vie et de consommation ; la dérégulation du temps de travail. En France, alors que les règles régissant la durée du travail sont fixées par le Code du travail, une série de lois récentes a favorisé la modulation du temps de travail par accord d’entreprise et étendu le recours dérogatoire au travail dominical. Ces transformations économiques et juridiques s’accompagnent-elles d’une progression des horaires atypiques de travail et, si oui, pour quels types d’activités et groupes de salariés ?
Qu’entend-on par horaires atypiques de travail ?
Au sens strict, les horaires atypiques de travail désignent les jours et horaires de travail non conventionnels, c’est-à-dire les horaires décalés dans la journée (le soir, la nuit, tôt le matin) et dans la semaine (le week-end). La mesure de ces horaires varie selon les réglementations nationales et les conventions statistiques (voirannexe en ligne [7]). Un salarié est dit en horaires atypiques ici s’il déclare travailler habituellement selon au moins l’une des modalités suivantes : tôt le matin (5h-7h), tard le soir (20h-0h), la nuit (0h-5h), le samedi, le dimanche. Sont ainsi exclus les salariés qui travaillent occasionnellement en horaires atypiques pour ne retenir que les expositions les plus fréquentes, susceptibles d’avoir des répercussions importantes dans la sphère familiale.
Horaires atypiques de travail : une stabilité en trompe-l’œil entre 2013 et 2019
En France métropolitaine, en 2019, 36 % des salariés travaillent habituellement en horaires atypiques. Cette fréquence, qui situe la France dans la moyenne européenne, apparaît stable au cours de la dernière décennie. Toutefois, tandis que le travail du soir et de nuit a légèrement reculé entre 2013 et 2019, le travail du samedi, du dimanche et du matin (de 5h à 7h) a augmenté pour certaines catégories de salariés qui apparaissent plus exposées (figure 1). Les femmes sont désormais proportionnellement plus nombreuses que les hommes à travailler avec des horaires atypiques même si elles n’effectuent pas les mêmes types d’horaires. Elles travaillent plus souvent le samedi et le dimanche, et la part de femmes exposées à ce type d’horaires a augmenté au cours de la dernière décennie contrairement à celle des hommes. Ces derniers restent proportionnellement plus nombreux à travailler tôt le matin, le soir et surtout la nuit, mais leur exposition aux horaires atypiques tend à se réduire sur la période.
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Population et Sociétés
n° 599, Avril 2022, 4 pages
https://doi.org/10.3917/popsoc.599.0001