— Par Huguette Emmanuel Bellemare, Culture Égalité —
Depuis de nombreuses semaines, des femmes désemparées font le tour des associations d’accompagnement des femmes en difficulté pour obtenir de l’aide afin de protéger leur enfant de père violent. Sur ces trois dernières semaines, ce sont trois femmes qui nous ont sollicitées.
Toutes les trois étaient épouses ou compagnes d’hommes vivant en France. Elles sont revenues en Martinique pour fuir les violences. Elles ont chacune un enfant réclamé par un père qui se découvre brutalement indispensable à l’équilibre de son enfant… Mais qui sont-ils, ces bons pères ? Que veulent-ils ?
Tous ont plus ou moins pour modèle et soutien les masculinistes — ces hommes qui haïssent les femmes à cause des quelques acquis sociaux que celles-ci ont arraché par leur lutte. Ils œuvrent pour rétablir l’ordre ancien et donc récupérer leur place dominante tant dans le foyer que dans la société. Pour mener ce combat, il leur faut s’attirer la sympathie voire la compassion des médias et de l’opinion publique.
Pour cela, ils mènent une offensive tous azimuts mise au point par leurs pionniers des USA et du Canada. D’abord, ils ont effectué des actions spectaculaires, telle celle de Nantes où l’un d’eux s’était juché en haut d’une grue, avec à sa disposition plusieurs téléphones mobiles pour donner des interviews aux journalistes.
Ensuite, ils manient les statistiques de façon fantaisiste : les juges accorderaient la garde des enfants aux femmes dans 80% des cas. Ils oublient de dire que dans la large majorité des cas de la vraie vie, cela se fait avec l’accord du père et que très peu d’hommes demandent la garde exclusive de leurs enfants, par crainte des responsabilités et des tâches que cela entraînerait. En plus, ce taux de 80% paraît normal puisque ce sont les femmes qui, s’occupent encore à 80% (justement) des tâches parentales et domestiques. D’ailleurs, le plus souvent, les hommes confient le job de la garde de leurs enfants à leur propre mère, ou… à leur nouvelle compagne !
Autre argument, ces masculinistes ont donc découvert depuis récemment que le contact avec le père est indispensable à ses enfants, car il apporte en particulier aux garçons — les vraies valeurs indispensables à leur équilibre et à leur épanouissement. Seulement ces valeurs sont celles du patriarcat pur et dur : place différente pour l’homme et la femme et suprématie de l’homme sur la femme à tous niveaux de la société, dans la famille, mais aussi, dans la conduite de la cité ; défense du couple hétérosexuel comme seul modèle possible ; éducation viriliste des garçons et donc refus de toute égalité des femmes et des hommes. Bref, ce qu’ils proposent aux générations de demain, c’est un grand bond en arrière !
Le syndrome d’aliénation parentale
C’est au nom de ces idées rétrogrades qu’un de leurs héros, un jeune homme, a massacré quatorze étudiantes de l’école polytechnique de Montréal le 6 décembre 1989, estimant qu’elles prenaient la place des hommes ! En outre, ces masculinistes ont un argument imparable concernant leur faible participation à l’éducation des enfants : en réalité, leur participation est très importante mais invisible, car elle consiste en la « responsabilité éthique des hommes pour les générations futures », « leur travail de relation » et la « stimulation intellectuelle qu’ils procurent aux enfants à travers le jeu » !
Ces propos farfelus ont convaincu à tel point le législateur et certains magistrats qu’il a été jugé indispensable au développement de l’enfant de maintenir son contact avec son père quelle que soit la personnalité de celui-ci, d’où la loi maintenant la garde alternée et le droit de visite pour les pères accusés de violence envers leur femme ou leurs enfants et même pour les pères violeurs. Certains magistrats estimeraient que l’on peut être violent et même violeur et en même temps un bon père !
La réalité c’est que ce que ces pères revendiquent, c’est un droit de propriété sur « leur » femme et « leurs » enfants, et comme ils sont habitués à ce que les violences conjugales et l’inceste soient considérées comme affaire privée, dont personne ne parle, et surtout pas les victimes qui seraient les premières, voire les seules à être stigmatisées, ils sont donc extrêmement furieux de se voir dénoncés par « leur » femme. Alors ils minimisent ces violences et en font porter la responsabilité aux victimes elles-mêmes : les enfants qui dénoncent leur violence domestique ou sexuelles seraient manipulé.es par leur mère ! Cela a même reçu un nom, le syndrome d’aliénation parentale (SAP) ! Même si cette nouvelle « maladie » n’a été reconnue par aucune faculté de médecine du monde, ni par l’OMS, des juges se sont laissés impressionner. Ils estiment que les mères qui s’opposent au droit de résidence alternée ou aux droits de visite du père violent confondent leurs intérêts avec ceux de leurs enfants, et qu’elles sont donc passibles de peine de prison !
Dans notre association féministe Culture Égalité, nous pensons que l’enfant n’appartient à personne : ni à son père — ni non plus à sa mère, d’ailleurs. Et nous espérons que, dans ces affaires judiciaires qui défraient la chronique en ce moment en Martinique, la justice aura comme seul objectif les droits de l’enfant à grandir dans la sécurité et dans un environnement épanouissant.
La réalité c’est que ce que ces pères revendiquent, c’est un droit de propriété sur « leur » femme et « leurs » enfants, et comme ils sont habitués à ce que les violences conjugales et l’inceste soient considérées comme affaire privée.
Huguette Emmanuel Bellemare