Hommage à Jojo

Rencontres pour le lendemain

Lire ci-aptrès le poème de Syto Cavé ‘ Je sais tout de Jojo »

— Par Huguette Emmanuel-Bellemare —

Bonsoir à tous et toutes !

Quand George, ou plutôt Jojo, m’a demandé de venir vous apporter mon témoignage, j’ai eu envie de lui répondre, en paraphrasant une célèbre lettre que vous connaissez certainement, celle attribuée à George Sand…:

« Cette insigne faveur que votre coeur réclame
Nuit à notre pudeur et répond à ma flamme »… ou plutôt à mon affection !

Mais ravalant la pudeur en question, je me suis mise au travail pour essayer de retracer les étapes de notre amitié et tout ce qu’elle m’a apporté, surtout. C’est pourquoi j’intitulerai mon propos :

DEUX OU TROIS CHOSES QUE JE TIENS DE JOJO !

D’abord, je ferai remonter notre histoire à l’époque du Comité Permanent de Soutien aux Femmes agressées, ou plutôt notre préhistoire, puisque George n’a jamais appartenu à ce groupe… à cause de sa jeunesse, certainement !!! A cette époque, la féministe que je me crois fait partie de celles qui ricanent et qui abrègent le nom de l’association en « Comité des Femmes agressées », quand ce n’est pas « Comité des Femmes agressives » ! Encore une réaction de pudeur, de honte devant le dévoilement de choses qu’on nous a appris à considérer comme intimes. Vous connaissez l’adage… « Malheur à celui – et encore plus à celle – par qui le scandale arrive ! »… Plus tard, au contact de Jojo et de ses amies, j’apprendrai que ce n’est pas la victime qui doit craindre ni essuyer le scandale mais qu’il faut, comme aurait dit Nicolas Guillen, que la honte soit à l’agresseur ! Et surtout, aussi, que « le privé est politique » : c’est-à-dire que c’est à la société de prendre en charge la lutte contre les violences faites aux femmes et, en attendant d’arriver à l’en convaincre, aux militantes féministes.

Ma deuxième image de Jojo, c’est un chemisier blanc et une petite jupe noire de la taille d’un mouchoir de poche – remarquez mon sens aigu de la mesure : je n’ai pas dit d’un timbre-poste !… de la taille d’un mouchoir de poche, donc, mais tout à fait BCBG ! C’est l’époque où je la considère comme une petite bourgeoise, et pas seulement dans ses tenues. Je lui reproche aussi de faire de l’UFM un repaire de bourgeoises ! Quand j’apprends que telle artiste a fait une prestation pour l’UFM, ma première réaction c’est : « Est-ce que c’est une féministe, au moins ? » Et c’est tout juste si je ne réclame pas de voir sa carte !

Dans l’émission que nous créerons par la suite et que nous animons ensemble, je ne comprends pas non plus sa volonté de faire appel à des « expertes » ou « experts » et je proteste, affirmant de façon présomptueuse que sur beaucoup de sujets féministes (en fait, je pense sur tous !), les vraies expertes c’est nous !

Jojo m’apprendra qu’il faut, sinon, comme dirait Fanon « compromettre tout le monde dans le combat pour le salut commun », mais au moins, élargir le plus possible la base des sympathisantes et sympathisants afin de donner l’occasion au maximum de personnes d’être au contact avec nos idées, de se frotter au féminisme et de rejoindre un jour notre combat.

Je commence à me rapprocher d’elle et nous militons ensemble. Cela débute, de ma part, avec une intervention pour le centenaire de Simone de Beauvoir, puis par l’écriture d’articles. A cette époque, je suis prof de français et je m’insurge d’avoir à enseigner à mes élèves cette règle que je trouve brutale et primitive : « Le masculin l’emporte sur le féminin »… mais, en pratique, je ne fais rien contre. J’apprendrai concrètement, sous la férule vigilante de Jojo, à « féminiser mon discours », c’est-à-dire à utiliser les marques du féminin, à dire : « les lecteurs et lectrices », « écrivaine » ou « autrice », « elles et ils », même si cela paraît plus long et plus lourd, car « ce qui n’est pas nommé n’existe pas » ! Dans les articles à quatre mains, j’apprends aussi à apprécier et respecter son style dont je comprends vite que, profondément naturel et humain, il lui ressemble.

Et nous créons ensemble, avec quelques autres copines, l’association Culture Egalité. Là, j’apprends vraiment à la connaître. Nous sommes épatées – à partir de maintenant je crois pouvoir parler au nom de tout le groupe – nous sommes épatées, donc, par sa puissance de travail, sa longueur et sa hauteur… de vue ! son imagination sans cesse tendue vers le désir de faire avancer, progresser la lutte ; son souci profond du devenir de l’association ; son combat tout azimut contre les inégalités non seulement entre les sexes, mais aussi entre les classes et entre les peuples ; enfin sa générosité et (au risque de me répéter) sa grande humanité, sa sollicitude pour chacune des militantes, car le souci du bien collectif ne lui fait pas perdre ses capacités de sympathie individuelle. Sollicitude donc, qu’elle nous manifeste, entre autres, par ses prescriptions de jeûne, d’argile (verte !), d’étirements en tous sens…

Son attention jamais prise en défaut et sa réactivité font que je lui donne un surnom pas très original, mais qui, selon moi, lui va très bien : Mère veille !…

Pourtant, rassurez-vous, c’est une merveille gaie, car elle met en pratique instinctivement la devise de la cinéaste féministe Carole Roussopoulos : « C’est un grand bonheur et une grande rigolade de se battre ! » Aussi manie-t-elle souvent un humour et un parler pleins de verdeur, contractés certainement au sein de l’Habitation où elle a vu le jour !

Elle n’est donc pas encore tout à fait prête pour la béatification. Pourtant, ce que nous redoutons le plus chez elle, la seule chose capable de nous faire fuir la jolie maison de Tivoli dont nous apprécions si fort l’hospitalité, c’est… sa soupe végétarienne !

… Cependant, nous continuons à apprendre et nous nous améliorons chaque jour à son contact. Sa dernière ambition au sein de notre mouvement est de nous voir acquérir l’autonomie et devenir des dirigeantes interchangeables, capables de nous passer d’elle, voire de la remplacer ! Dans cet apprentissage, comme dirait la maîtresse de CP de ma petite-fille, nous méritons seulement pour le moment la mention «ECA » : en cours d’acquisition !!!… Mais, patience Jojo, ne te décourage pas, ça vien….dra : il faut rêver dit Lénine !

Et je crois que je tiens ici la citation par laquelle je veux terminer mon intervention, puisqu’il faut la terminer, celle qui te résume le mieux, ma Jojo, et qui résume le mieux notre collaboration : « Il faut rêver dit Lénine, et travailler sérieusement à la réalisation de son rêve ! »

Huguette Emmanuel-Bellemare

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Je sais tout deJojo
Je sais qu’elle est Amour
Elle est un bonne amie et à la fois une soeur.
Elle est la soeur de toutes et souveraine d’elle-même
Militante, elle peut être en colère; elle exige de tout homme
ce qu’un hpomme doit faire.
Je sais tout de Jojo
Je sais qu’elle est Amour
Elle est aussi un mèsoleilre
Elle est la source mère d’où vient cette eau p^remière qui
donne lieu à la vie.
Je sais tout de Jojo
Je sais qu’elle est Amour et notre Reine-Soleil

Syto Cavé