— Par Madinin’Art —
Charles Piaget : la vie et l’œuvre
Charles Piaget, décédé le 4 novembre 2023 à l’âge de 95 ans, restera à jamais dans les mémoires comme une figure emblématique du mouvement ouvrier français. Sa vie, marquée par l’engagement, la lutte et la défense des valeurs de l’autogestion, a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de la France.
Né le 23 juillet 1928 à Besançon, Charles Piaget a vécu une enfance marquée par l’absence de sa mère, ne connaissant que son père, Fritz Piaget, un horloger rhabilleur. À la mort de son père en 1943, il est recueilli par la famille Ubbiali, qui lui prodigue une éducation religieuse. Il obtient son CAP et un brevet d’enseignement industriel en 1946, et deux mois plus tard, il est embauché comme mécanicien chez Lip, la célèbre manufacture horlogère de Besançon.
Les premières années chez Lip furent difficiles, avec une semaine de travail de soixante-dix heures. Charles Piaget adhère au syndicat CFTC dès son premier jour chez Lip, et après son service militaire, il revient à l’entreprise. Tout au long de sa carrière, il s’engage activement dans le syndicalisme, initiant de nombreux conflits sur les salaires, les conditions de travail et la durée du travail. Charles Piaget s’est également investi dans des activités syndicales en parallèle de sa vie familiale, avec six enfants issus de son mariage avec Annie Billot.
Son engagement dépassait les frontières de l’usine. En 1960, il adhère au Parti Socialiste Unifié (PSU) dès sa création. Il participe en 1967 à la grève de la Rhodia, une usine textile occupée pour la première fois depuis 1936, un événement qui préfigure les événements de Mai 68. Le conflit chez Lip en 1973, consécutif à la démission de Fred Lip et à la mise en règlement judiciaire de l’entreprise, a fait de Charles Piaget une figure de proue involontaire. Il devient le symbole de la résistance ouvrière à la crise économique et aux licenciements massifs, malgré sa réticence à occuper un rôle central.
Lorsque le conflit éclate, Charles Piaget se trouve inévitablement au premier plan. Il se montre inlassable dans son engagement en faveur de l’autogestion. Un comité d’action est créé, et les Lip expérimentent l’autogestion avec le slogan « On fabrique, on vend, on se paie. » Malgré son influence grandissante, Charles Piaget reste modeste et insiste sur le rôle collectif, évitant de se laisser prendre pour un leader. Lorsque les CRS expulsent les Lip de leur usine en août 1973, la municipalité les soutient en leur fournissant un gymnase dans le quartier de Palente. Durant des mois, ils poursuivent leur lutte en organisant des ventes sauvages de montres.
La bataille est acharnée, et la politique s’entremêle à la lutte ouvrière. La gauche soutient les Lip, tandis que le gouvernement Messmer réprime avec force. Charles Piaget et ses camarades tiennent bon, mais finalement, en janvier 1974, un protocole d’accord est signé, prévoyant la réembauche des travailleurs en échange de la restitution des montres volées.
Malheureusement, cette victoire sera de courte durée. Des problèmes financiers mènent à la démission de Claude Neuschwander, et en avril 1976, Lip dépose le bilan à nouveau. Malgré un second conflit, les travailleurs tentent de créer une société coopérative et participative (SCOP) en novembre 1977, mais le chemin est semé d’embûches.
La vie après Lip : engagement continu
En 1982, Charles Piaget perd sa femme, Annie, et part en préretraite en 1983. Durant cette période, il se retire de la scène sociale et traverse une période de solitude. En 1993, il rejoint le mouvement « Agir contre le chômage » à Besançon. Cette décennie de retrait ne signifie pas pour autant la fin de son engagement. Charles Piaget continue à se battre pour les travailleurs, dénonçant la montée du chômage et de la précarité dans la région.
Il est également resté un fervent défenseur de l’autogestion. Pour lui, l’autogestion n’était pas une simple théorie, mais un modèle de société auquel il a consacré sa vie. Sa vision de l’autogestion mettait l’accent sur la participation démocratique des travailleurs dans la gestion de leur entreprise, un concept qu’il considérait comme essentiel pour une société plus juste et équitable.
Charles Piaget a participé à de nombreuses conférences, colloques et débats pour promouvoir les idées de l’autogestion. Il a écrit des articles et donné des interviews sur le sujet, partageant sa vision et son expérience. Son message était clair : l’autogestion offre une alternative au capitalisme où les travailleurs ont un contrôle direct sur leur propre destin. Il était convaincu que l’autogestion était la voie à suivre pour lutter contre l’exploitation et les inégalités.
Héritage et impact
Charles Piaget restera un symbole de la lutte ouvrière et de l’autogestion en France. Sa modestie, sa persévérance et son engagement indéfectible pour la justice sociale ont inspiré de nombreuses générations. Sa vie rappelle à tous que l’engagement, la solidarité et la lutte pour un monde plus équitable sont des valeurs précieuses et intemporelles.
L’impact de Charles Piaget va bien au-delà de sa ville natale de Besançon ou de la France. Il a laissé une empreinte indélébile dans la conscience collective des travailleurs du monde entier. Sa détermination à défendre les droits des travailleurs et à promouvoir l’autogestion a influencé de nombreuses personnes à lutter pour un changement social positif.
La lutte de Charles Piaget chez Lip a marqué un tournant dans l’histoire du mouvement ouvrier. Elle a montré que les travailleurs pouvaient résister à l’oppression et à l’exploitation en s’organisant collectivement. Son engagement en faveur de l’autogestion a également contribué à raviver l’intérêt pour ce concept et à le propager comme une alternative viable au modèle économique dominant.
Charles Piaget a laiss un héritage durable, et son décès marque la fin d’une époque, mais aussi le début d’une nouvelle étape dans la lutte pour un monde plus juste. Les travailleurs et les défenseurs de l’autogestion continueront à s’inspirer de son exemple et à poursuivre la lutte pour une société plus équitable.
Charles Piaget a consacré sa vie à la lutte pour les droits des travailleurs et à la promotion de l’autogestion. Sa vie est un exemple de détermination, de solidarité et de persévérance, et son impact sur le mouvement ouvrier et la défense de l’autogestion est indéniable.
Son héritage perdurera, rappelant à tous que l’engagement en faveur de la justice sociale est une cause noble et intemporelle. La vie de Charles Piaget nous enseigne que la lutte pour un monde plus équitable ne connaît pas de frontières et que les idéaux de l’autogestion peuvent être une source d’inspiration pour tous ceux qui aspirent à un changement positif dans la société.
Adieu, camarade, que ton exemple continue d’illuminer la voie de la justice sociale. Charles Piaget restera dans nos cœurs comme une figure emblématique de la lutte ouvrière et de l’autogestion, un symbole de résistance et d’espoir pour un monde meilleur.