Hippolyte Morestin (1869-1919) : le chirurgien des « gueules cassées »

— Par Rodolf Etienne —

Conférence – Mairie de Fort-de-France – Les rendez-vous du jeudi

Xavier Chevallier, Conservateur en chef des bibliothèques : Hippolyte Morestin (1869-1919) : le chirurgien des « gueules cassées »

Xavier Chevallier, Conservateur en chef des bibliothèques, à consacré plus d’une décennie à effectuer des recherches, écrire des articles, animer des conférences ou organiser des colloques, dans le but de remettre le patrimoine, l’œuvre, l’engagement et l’histoire d’Hippolyte Morestin à la place méritée dans le panthéon de la science et de la médecine française, notamment de la médecine faciale du début du XXème siècle.

Jeudi 16 janvier 2025, dans le cadre de « Les rendez-vous du Jeudi », le 6ème étage de la mairie de Fort-de-France accueillait Xavier Chevallier pour une conférence consacrée à Hippolyte Morestin, Eminent chirurgien martiniquais né à Basse-Pointe en 1869, et mort à Paris en 1919. L’occasion de mettre à l’honneur ce pionnier de la chirurgie esthétique qui a inscrit haut son nom au patrimoine de la science du XXème siècle.

Hippolyte Morestin a mis toute sa science de la chirurgie maxillo-faciale au service des « gueules cassées », ces soldats monstrueusement défigurés durant la Première Guerre mondiale. C’est, tout du moins, l’essentiel de ce que l’on pourrait retenir d’une vie tout entière consacrée à la science et à la chirurgie. On retiendra aussi qu’il vit le jour à Basse-Pointe d’une famille originaire de Saint-Pierre, qu’il grandi à Saint-Pierre, ville qu’il quitta à l’âge de 18 ans pour rejoindre la France et Paris, pour poursuivre ses études puis, par la suite, une brillante carrière. Mais bien au-delà de ces simples considérations, Hippolyte Morestin interroge la mémoire collective sur la valeur même de son héritage et de sa transmission. Et c’est là qu’intervient Xavier Chevallier, qui en conservateur de bibliothèque, se mue en chercheur et en historien, en biographe aussi, pour nous donner à entendre, à voir, à lire, une histoire beaucoup plus complète de cet homme et de son engagement au profit des autres, au profit des estropiés de la face, au profit des défigurés. Une aventure riche d’enseignements pour Xavier Chevallier (comme pour nous d’ailleurs, simples curieux) qui débute par la simple confidence d’un oncle sur ce chirurgien qui « mérite d’être connu ». Quand Xavier Chevallier décidera de se consacrer à cet homme à connaître, il ne s’arrêtera plus. Et, après plus de dix ans de recherches, le chercheur passionné a récolté des informations d’une valeur inestimable permettant de situer dans sa pleine perspective l’œuvre et la vie d‘Hippolyte Morestin. Une mise en perspective qui rajoute à la dimension du chirurgien, de l’homme, autant que du Martiniquais même qu’il a été, dans ce monde en plein bouleversement, en pleine mutation, et de sa contribution au patrimoine de l’humanité, de son implication au débat du monde, à l’avancée de la condition humaine.

Xavier Chevallier, conservateur en chef des bibliothèques, a consacré plus de dix ans de recherches à la vie et l’œuvre d’Hippolyte Morestin.

Hippolyte Morestin n’aura pas pu profiter de ses heures de gloire

De sa vie d’étudiant à sa vie de praticien, au fil des ans, Xavier Chevallier, inscrit maintenant dans une recherche essentielle, réussi à dénouer l’écheveau et à fixer un brillant portrait d’Hippolyte Morestin, en dépit des difficultés inhérentes au travail de recherches, notamment en matière de sources et de ressources. Etudiant doué, praticien respecté, Hippolyte Morestin était donc considéré comme une référence de son temps dans sa pratique médicale et chirurgicale. Mais c’est clairement la première guerre mondiale qui révélera toute son efficacité, son génie, et sa dévotion aux blessés. Chirurgien des « gueules cassées », Hippolyte Morestin devient à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, responsable de l’un des plus importants services de chirurgie et reconstruction faciale pendant la guerre : la 5ème division des « blessés de la face ». Il y laissera une empreinte indélébile. Il devient l’un des maîtres incontestés de la chirurgie maxillo-faciale. En avril 1915, Hippolyte Morestin est fait Chevalier de la Légion d’honneur, puis officier en décembre 1918. Mort en 1919, à l’âge de 50 ans, terrassé par le virus de la grippe espagnole, Hippolyte Morestin n’aura pas pu bénéficier de ses heures de gloire, encore moins publier ses mémoires, tant il était admiré pour ses facultés chirurgicales, sa dévotion à la médecine, sa contribution exemplaire à l’effort de guerre, sa grande science. Sa disparition prématurée aura été vécue comme un choc par la communauté scientifique et médicale et, bien sur, par ses patients.

Un travail méticuleux de recherche

Peu à peu, après la première guerre, puis la seconde, le nom d’Hippolyte Morestin tombera dans l’oubli, jusqu’au années 60, 70 où des médecins français, américains et martiniquais le redécouvrent. Progressivement son nom refait surface à travers des articles de périodiques ou de revues spécialisées et de nombreux hommages se succèdent. « Ce n’est que justice, précise Xavier Chevallier, pour celui qui consacra sa vie à soulager la détresse des autres, et dont le travail eut un rayonnement international sur la chirurgie plastique et esthétique ». En 2019, la ville de Basse-Pointe, sa ville de naissance, réalisait, à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de sa naissance et du centenaire de sa mort, un colloque international qui aura permis de jeter les bases d’un travail de suivi de qualité.

Xavier Chevallier, conservateur en chef des bibliothèques, nous offre là une belle page d’histoire insulaire et nous invite à un beau voyage dans le temps autour de la mémoire riche d’un homme dévoué, d’un véritable génie de la médecine, de la chirurgie, d’un Martiniquais à inscrire dorénavant au panthéon local parmi les illustres identités de notre patrimoine commun. Une conférence très enrichissante, à suivre avec un vif intérêt, fruit d’un travail méticuleux et bien documenté de recherches. Une véritable œuvre de reconquête historique et identitaire au service d’une illustre mémoire oubliée, empêchée.

Rodolf Etienne

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Ce livret pédagogique gratuit, publié avec le soutien de la ville de Basse-Pointe, est un premier jalon vers une reconquête de la mémoire et du savoir à propos d’Hippolyte Morestin.