— Par Dégé —
Il y a des films comiques dont les causes de notre rire s’évanouissent dès que l’on a quitté la salle de projection. Des films grandiloquents ou grandioses dont très vite on ne sait plus quel était le message. Des films aussi spectaculaires qu’éphémères…
Il y a des petits films français plein de finesse et d’humour qui sont un vrai régal. On en sourit longtemps encore après les avoir vus et on sait pourquoi.
Tels ceux de la cuvée 2014 comme Les Combattants de Thomas Cailley ou encore Hippocrate de Thomas Lilt. Ce sont des films à petit budget mais dont la bande sonore est audible…Heureusement car les dialogues, sans être révolutionnaires, mêmes si le sujet est dramatique sont souvent savoureux.
Hippocrate qui repasse actuellement sur nos petits écrans est à revoir. Classé comme film dramatique, il est cependant drôle et le sourire qu’il nous laisse s’appuie sur le nombre et la gravité des réflexions dont il fourmille.
L’histoire est pourtant simple : un jeune interne, en même temps qu’il enfile la blouse «aux taches propres » (sic), trop grande pour lui que lui fournit la lingerie de l’hôpital, endosse la terrible réalité du métier qu’il a choisi.
L’apprentissage sera d’autant plus dur que le brillant étudiant (il n’a que 23 ans) aura à affronter le doute voire la jalousie de ses collègues car il va travailler dans le service dont son père est le chef. Benjamin Baroin (initiales BB !) ira de découvertes en découvertes : « Comment fait-on pour boire 40 litres de bière en une journée ?! » Réponse du patient « Je suis barman.» !
Le ton est moins léger, mais la souffrance, l’euthanasie, les soins palliatifs, la fin de vie, la mort sont traités avec pudeur, avec réalisme, avec netteté, sans grandiloquence, sans mélo. Les problèmes de l’AP-HP sont évoqués : les restrictions budgétaires, la restructuration, l’ordre des médecins et leur solidarité parfois malsaine, les 35 heures, le manque de sommeil des personnels hospitaliers, les gardes à répétition, les retentissements de tous ces maux sur la vie privée de chacun…
Tout cela provoque des tensions qui, après une erreur médicale de Benjamin, débouchent sur une grève épique. L’un de ses principaux meneurs, un médecin pétri d’humanité et de compétences, joué par l’excellent Reda Kateb* (Cf. Le Prophète), est un Faisant Fonction d’Interne : un FFI, souligne avec humour ce vrai héros-résistant de la médecine précaire qui représente à lui seul l’injustice faite aux travailleurs émigrés.
Il dénonce toute la perversité du système hospitalier actuel dans une AG magnifique tant elle semble authentique, filmée sur le vif, où chacun vide son sac et crie sa vérité, personne n’écoute vraiment l’autre ; mais tout le monde semble s’accorder contre une vision économiste de l’hôpital, pour une politique de la santé, socle du bonheur et de l’efficacité d’un peuple, pour une vraie assistance publique.
Car tout cela n’est pas fondamentalement triste et respire l’espoir malgré tout.
A l’image de ces sous-sol de l’hôpital de Garches, incroyablement solides et immenses qui témoignent, au tout début du film, de l’ambition que la France avait lors de la construction du pays entre les deux guerres mondiales…Au bout du labyrinthe, interminable, dont on aperçoit à certains croisements d’effroyables décrépitudes, la lingerie où Benjamin trouvera, finalement, blouse à sa taille.
* Nombreuses sélections et nominations. Valois d’or au Festival du film francophone d’Angoulême. * César du meilleur acteur pour second rôle en 2015.
Date de sortie 3 septembre 2014 (1h42min)
Réalisé par Thomas Lilti
Avec Vincent Lacoste, Reda Kateb, Jacques Gamblin plus
Genre Comédie dramatique
Nationalité Français