— Par Philippe Pierre-Charles —
La Martinique entière, amis de Herve´ Pinto ou autres, se réjouissait de voir tourner la page d’une affaire où un homme, blessé dans sa dignité avait décidé de mettre sa santé et peut-être sa vie en jeu pour avoir le droit de reprendre dans des conditions normales son travail après une décision de justice favorable. Les conflits, dans lesquels on est trop souvent contraint d’utiliser des moyens disproportionnés pour obtenir la simple application de la loi, ne manquant pas, l’attention de l’opinion se portait désormais sur autre chose. Il restait juste l’espoir d’un retour à la normale dans les relations entre la direction de la poste et son agent. C’était faire trop confiance à cette grande entreprise née sur les ruines d’une administration plus que séculaire. Alors forcément on s’interroge : l’initiative scélérate de dénoncer l’accord ayant mis fin au conflit, est elle un génial fait d’armes d’un directeur à deux doigts de la retraite ou l’exécution d’un ordre venu d’une direction parisienne ombrageuse, ayant du » dialogue social » une conception assez proche de ce que nous avons connu dans les heures les plus sombres de notre histoire ? Finalement peu importe. La responsabilité de cette ânerie inhumaine leur appartient conjointement.
Ayant participé à la négociation aujourd’hui déclarée inutile par la partie patronale, je me dois de démentir formellement l’argument sur lequel s’appuie le relaps. On ne nie pas que dans le cours de la négociation des gestes d’impatience sévère aient été commis par un des accompagnateurs de la délégation. Mais on ne comprendra rien à l’incident si on ne sait pas les faits suivants :
1) Hervé PINTO en était à son 34ème jour de grève de la faim et la situation d’extrême urgence médicale ne faisait aucun doute.
2) A ma demande de rencontre prenant en compte cette urgence, le directeur local avait répondu par l’intermédiaire des renseignements généraux…de faire une demande « en bonne et due forme ».
3) En réponse à notre requête, une fois le contact établi malgré la légèreté coupable du Directeur, d’obtenir une réponse rapide concernant un sujet vieux de plus d’un mois, ce dernier nous renvoyait une fois de plus aux calendes grecques. On frôlait donc la non assistance à personne en danger. Plus concrètement encore il faut citer des faits : 1) La négociation et la signature se sont déroulées en trois temps. D’abord, après que le supporter énervé ait été ramené à plus de sérénité par des camarades de la délégation (ce qui est passé sous silence dans le courrier de La poste) le directeur demande et obtient sans réticence un temps de réflexion, seul avec son équipe dans sa salle de réunion. Ensuite plus d’une heure après la délégation vient prendre la réponse. Une discussion s’engage sur plusieurs points qui sont aplanis. Enfin un rendez-vous est pris pour l’après-midi 15h loin de toute agitation et l’accord est signé avec l’avocat de PINTO.
Cette chronologie se passe de commentaires. Le Directeur a eu tout le loisir de s’esquiver entre les différents moments rappelés, d’en appeler éventuellement aux forces de l’ordre, à la presse et à tout ce qu’on veut.
Le revirement lamentable et irresponsable de l’administration constitue donc objectivement une interpellation d’abord des plus hautes autorités qui doivent dire si elles acceptent qu’on prenne avec autant de légèreté la responsabilité de nouveaux troubles à l’ordre public, ensuite du personnel de La poste et des organisations syndicales de l’entreprise qui assistent en grandeur nature à un reniement éhonté et sous de faux prétextes de la parole donnée, enfin de l’opinion publique martiniquaise qui certes ne s’était pas mobilisé outre mesure mais qui avait tout de même suivi avec intérêt et une certaine angoisse cette regrettable affaire. Une société dans laquelle l’une des institutions les plus importantes dans le quotidien de la population, pourrait faire preuve impunément d’un tel mélange d’inhumanité et de sottise aurait de graves questions à se poser sur elle-même.
Philippe Pierre-Charles