Fondation Clément du 16 septembre au 3 novembre 2016
— Par Alfred Alexandre —
C’est de l’armature métallique des îles qu’Hervé Beuze a choisi de partir, pour rendre compte des ruptures et des permanences qui caractérisent nos vies contemporaines.
Le volume,en son épiderme rafistolé, pouvant être lu comme un tissu d’aciers où chaque suture raconte la trace de nos histoires. Le ferraillage d’os et de ligaments qui, par-dessous, maintient chaque présence debout, permettant de donner à nos vies intérieures l’épaisseur humaine d’un corps dont chaque parole muette est un savoir à mettre à nu.
Car montrer comment les assemblages de tôles qui nous bâtissent vont comme des couples se dédoublant à l’infini dans leur mouvement, c’est soupeser,une fois encore,ce qui,au plus profond, nous distingue des territoires où les corps mus se figent dans l’obsession totalisante de leur racine unique.
Car faire éprouver le fer et les cordages d’où s’arrache le squelette sur lequel chaque muscle appuie son équilibre, c’est rendre visible les structures les plus intimes de nos vies partagées.
Vies rapiécées. Cicatrices évidentes de peaux, morceau après morceau, cousues pour se refaire une vie nouvelle. Emmêlement, sans cesse mobile, de matériaux récupérés au fil des siècles et des débrouilles imaginées pour tenir tête à la misère et continuer, l’œil fier,à aller de l’avant.
Vies d’autrefois, donc. Et les œuvres alors nous appellent au silence. Celui des sépultures monumentales où les peuples neufs s’assemblent dans la mémoire vivante de leurs genèses et des victoires où ils réparent la blessure ressassée des effrois rouges de leur résine incandescente.
Vies d’aujourd’hui, également. Et les œuvres alors trament, en leur chevelure modernisée de câbles creusant dans nos cerveaux, les cordons incessants qui sauvent l’île de l’esseulement et,en même temps, nous défont des libertés hautement gagnées.
Vies à venir, malgré tout. Et les œuvres alors clament la fleur éclose de la bouture où,chaque pétale main dans la main en arc de cœur, les bras formant un archipel, le pays, poussé par l’utopie qui le conforte, marche vers les lumières où il se réinvente.
Alfred Alexandre