Il est important que les choses se sachent, afin qu’elles ne se reproduisent pas.
Voici une histoire que nous aimerions partager avec vous. Cela s’est passé en début d’année 2016. Gilles Elie dit Cosaque, réalisateur originaire de la Martinique, à la tête de la Maison Garage, qui est basée en région parisienne, a organisé un festival nommé, Festival Kung Ku (KKF), à l’Habitation Saint Etienne (H.S.E.), en Martinique, le 29 janvier dernier.
Un peu plus tôt, en novembre 2015, Gilles Elie Dit Cosaque (GEDC) contacte la performeuse chorégraphe Annabel Guérédrat, vivant et travaillant en Martinique, pour la réalisation d’une performance pour l’ouverture de son projet KKF.
Dans un premier temps, A. Guérédrat ne répond pas à la sollicitation de GEDC. Elle hésite. Elle préfère se rendre disponible pour ses propres projets de création. Finalement, un mois et demi plus tard, trouvant intéressante parce que subversive l’idée de projeter dans un festival des films créés à partir d’extraits de films de Kung Fu et des films pornographiques (de cul : de « Ku »), elle accepte. Et décide de réaliser une performance, avec son complice, le plasticien Henri Tauliaut, tout ceci à titre gracieux.
Ainsi, les deux artistes, Annabel Guérédrat & Henri Tauliaut, s’engagent et entament dès le 4 janvier 2016 une intense préparation physique, mentale pour la réalisation de leur performance en duo, qu’ils appellent : « La mariée mise à nu par son célibataire, même » (en référence à l’œuvre de Marcel Duchamp, artiste aussi subversif de son époque). En deux semaines, les deux performers investissent près de 500€ en achat de costumes et d’accessoires ; ils mettent en place une performance et travaillent dessus chaque jour en studio de répétition de danse aux Trois-Ilets, que la commune met à disposition pour se faire. Ils font également une séance de repérage à l’Habitation Saint Etienne même, en présence de GEDC ; et s’entendent avec lui sur le lieu de la performance.
Annabel Guérédrat rappelle à plusieurs reprises à GEDC, via sa boite de production, la Maison Garage, de signer un contrat de coréalisation, via la structure associative d’A. Guérédrat, Artincidence, spécifiant les accords tacites du contrat moral qui s’était créé entre eux : que la performance durerait 7 minutes ; qu’elle se réaliserait à titre gracieux ; que les deux performers s’engageaient ; aussi l’organisateur, la Maison Garage, au bon déroulé de la performance, pour l’ouverture du festival programmé le 29 janvier 2016.
Autour du 10 janvier, le festival se précisant, GEDC demande à Annabel Guérédrat & Henri Tauliaut le score (le déroulé) de leur performance. La confiance étant établie, même si le contrat rédigé par Artincidence, qui prend en charge les deux artistes performers, n’avait toujours pas été signé par la Maison Garage via GEDC, Henri T. & Annabel G. envoient à GEDC leur partition par mail; chose qu’ils font rarement car s’ils ont carte blanche pour réaliser une performance et étant des professionnels de la performance, ils n’ont pas à justifier leur acte performatif.
GEDC, disant apprécier le travail artistique des performers, leur rappelle tout de même, qu’ils doivent rester « soft » (et non vulgaire) sur le côté pornographique de leur acte performatif et qu’ils doivent davantage l’axer sur le côté kung fu. Ce qui est mal connaître le travail des performers en question. Bref, Henri T. & Annabel G. s’exécutent encore dans le sens de GEDC.
Puis, arrivent les besoins techniques des artistes. Les deux performers précisent qu’ils ont besoin d’être éclairés pour réaliser leur performance, en extérieur, car le festival était programmé en soirée autour du chai de l’H.S.E. Ils auront aussi besoin d’un espace pour s’habiller avant, puis ils se posent la question du dispositif, pour démarrer le score. Aussi la question de la sonorisation, puisqu’une musique est prévue pour leur performance.
Le mardi 19 janvier au matin, des échanges plus ou moins tendus par téléphone, ont lieu entre A. Guérédrat et GEDC. GEDC contestant le déroulé du score de la performance.
Pour éviter des tensions inutiles, les deux artistes A. Guérédrat & H. Tauliaut décident de rester pragmatiques et positifs et demadent de différer le 2nd rdv de repérage technique sur place à l’H.S.E., ; ceci afin plutôt d’attendre la venue du régisseur technique (de Tropiques Atrium, partenaire en logistique du KKF), avec qui il sera plus facile de déterminer et d’évaluer, ensemble, ce qui est possible ou pas de faire.
Le lendemain, mercredi 20 janvier, suite à différents mails et sms, Gille Elie Dit Cosaque annonce à Annabel Guérédrat & Henri Tauliaut, toujours par téléphone, que l’équipe du festival, d’un commun accord, a décidé de ne plus les programmer ; donc à 9 jours de la manifestation. Les raisons avancées ont été :
Eviter les tensions
C’est un petit festival ; nous allons simplifier la conduite générale de la soirée
Les besoins techniques des 2 performers sont trop exigeants
Les artistes sont tout d’abord étonnés, puis choqués, catastrophés, indignés, s’apercevant de l’ampleur des dégâts vu l’engagement qu’ils avaient pris, ceci à plusieurs niveaux :
Au niveau financier (à hauteur des 500€ de costumes achetés mais aussi deux semaines de répétitions non payées et une salle de répétition mise à leur disposition pour travailler ; sans compter la performance elle-même qui n’aurait pas été rémunérée puisqu’il s’agissait de signer un contrat de coréalisation et non un contrat de cession – sachant que le coût d’une performance d’Artincidence varie entre 600€ et 2500€)
Au niveau artistique : se mettre en processus de recherche et de création artistique, car un rendu était exigé au final
Au niveau relationnel & humain : ils avaient établi un rapport de confiance et avaient permis à GEDC de faire intrusion dans l’écriture de la partition de leur performance
Au niveau médiatique : leurs noms, à Annabel Guérédrat & Henri Tauliaut, apparaissaient dans les invitations envoyées, pour annoncer le festival
Cette façon de procéder est particulièrement inqualifiable puisque les artistes fonctionnent entre eux sur un rapport de confiance. Gilles Elie dit Cosaque en agissant de la sorte, a rompu le rapport de confiance. Le préjudice est moral, au-delà d’être financier.
D’abord Annabel Guérédrat et Henri Tauliaut ont prêté leurs noms comme caution pour que l’idée de Gille Elie Dit Cosaque passe de projet à réalisation. Il est donc absolument inconcevable que la parole entre artistes puisse être aussi légère.
Ensuite, Gille Elie Dit Cosaque comme organisateur de la manifestation a non seulement trahi leur confiance en rompant ses engagements tacites. Il a aussi impunément manqué de respect aux deux artistes A. Guérédrat & H. Tauliaut. Et il a continué ce relationnel basé sur une forme d’humiliation en leur proposant un dédommagement de 150 euros en tout et pour tout.
Donc attention aux organisateurs imbus de leur personne, manquants de respect vis-à-vis des artistes, surtout lorsqu’ils sont artistes eux-mêmes !
Aujourd’hui, après la colère et l’indignation passées, Henri Tauliaut et Annabel Guérédrat ont décidé de vous relater cette histoire car ils ne forceront pas le respect de GEDC à leur égard. Trop tard.
Par contre, à vous autres, artistes, d’être avertis. Et d’être respectés ! Il n’y a rien à subir. Et pour cela, c’est important de (re)prendre la parole pour dire les choses et gagner le respect en toute dignité, en toute légitimité. Attention aux organisateurs « voyous » ! faite passer le mot en partageant cet article !
Henri Tauliaut & Annabel Guérédrat
Une réponse de Gille Elie Dit Cosaque adressée aux artistes
Annabel, Henri,
Je regrette que notre collaboration se soit terminée ainsi, qu’il n’ait pas été possible de dialoguer de manière plus directe et plus apaisée. Le mot « festival » a pu très certainement entretenir une confusion. Vous aviez sans doute imaginé une grosse production, plus à même de répondre à vos exigences de création. Pourtant, l’idée était de faire une soirée qui répondait aux codes des festivals sans en être réellement un.
Dans le mail du 19 janvier dernier, je vous avais rappelé, en sus de nos échanges verbaux, dans quelles conditions et dans quel esprit cet événement était réalisé et vous avais proposé que l’on en parle. Ce mail est malheureusement resté sans réponse.
Une fois de plus, je vous le répète, ce sont essentiellement des considérations techniques et logistiques qui nous ont mené à cette décision. Nos moyens logistiques et techniques étant limités, nous ne pouvions accompagner votre participation et votre performance aux conditions que vous souhaitiez. Le peu de souplesse constaté lors nos échanges ne faisait que compliquer la mise en place de l’événement au mieux de nos capacités. C’est pour cela qu’en concertation avec HSE qui nous accueillait et Tropiques Atrium qui nous épaulait, la décision a été prise d’annuler votre intervention afin d’éviter déconvenues et tensions.
Je vous ai proposé de participer au projet, je veux bien assumer et endosser cette décision d’annulation. Je suis désolé que ça se soit passé ainsi et j’aurais bien sûr préféré poursuivre jusqu’au bout dans la sérénité, comme cela a été le cas avec l’ensemble des participants bénévoles de la soirée. En aucun cas, il ne vous a été demandé d’investir financièrement et surtout pas une telle somme dans quoi que ce soit. Je vous ai plusieurs fois rappelé qu’il n’y avait pas de budget.
Encore une fois, je comprends et partage votre déception mais cela ne justifie en aucun cas les ultimatum et les sms injurieux ou menaçants.
Néanmoins, comme je vous l’ai dit dans le mail du 19, puis par SMS, il me paraît normal, à titre personnel, de faire un geste. J’adresserai donc, par courrier postal, dans la semaine un chèque de 150€ à la Cie Artincidence.
Ce n’est pas un dédommagement ou une compensation quelconque ; car comme l’a écrit Henri, il ne s’agit pas d’une histoire d’argent. Mais il s’agit plutôt, comme pour les autres artistes, de vous remercier de votre implication, à la hauteur de nos moyens. Notez toutefois que cette somme dépasse largement ce qui a été proposé aux autres intervenants et refusé par certains préférant qu’il soit réinvesti dans un prochain évènement.
Quoi qu’il en soit, je n’ai pas changé d’avis sur votre travail que je continue à apprécier. Après tout… souvent l’artiste excuse l’Homme.
Cordialement
Gilles