— Par Jean Smblé —
Depuis janvier 2024, Haïti vit une escalade sans précédent de la violence, exacerbée par les activités des gangs criminels. Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), plus de 3 600 personnes ont été tuées en seulement quelques mois, illustrant l’ampleur de la crise. Ce pays, déjà marqué par une instabilité politique chronique, fait désormais face à une urgence humanitaire grave, alimentée par des conflits armés et un sous-financement des efforts internationaux.
Une violence en hausse et des répercussions dévastatrices
Haïti, en proie à la violence des gangs depuis des années, a vu la situation se détériorer rapidement ces derniers mois. Le rapport de l’ONU publié en septembre 2024, qui couvre la période de janvier à juin, dresse un tableau sombre : 860 personnes ont été tuées et 393 blessées lors d’opérations de police dans des zones comme Port-au-Prince et d’autres départements autrefois épargnés. Parmi les victimes, des enfants, dont au moins 36, victimes d’un usage disproportionné de la force.
En plus des homicides, la violence sexuelle a pris une ampleur alarmante. L’ONU souligne que les gangs utilisent cette forme de violence comme une arme pour punir, terroriser et contrôler les populations, avec des cas horrifiants de viols collectifs d’enfants, certains âgés de moins de 5 ans.
Une réponse internationale très insuffisante
Face à cette crise, le Conseil de sécurité de l’ONU avait autorisé en octobre 2023 le déploiement d’une Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), menée par le Kenya. Cependant, malgré les premiers contingents déployés, avec environ 400 policiers kenyans et des renforts venus de la Jamaïque et du Belize, la mission reste sous-équipée. Le président kényan, William Ruto, a affirmé que son pays déploiera 2 500 policiers d’ici janvier 2025, mais a également déploré le manque d’équipements et de financement qui freine ces efforts.
Le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, a salué les progrès récents, notamment l’installation d’un Conseil présidentiel de transition dirigé par Edgard Leblanc Fils et la formation d’un nouveau gouvernement de transition. Cependant, il a souligné l’urgence de renforcer les moyens logistiques pour empêcher la prolifération des gangs et contenir la violence. L’ONU appelle également à une meilleure mise en œuvre de l’embargo sur les armes, alors que le trafic illicite continue d’alimenter les violences, notamment à partir des États-Unis, de la République dominicaine et de la Jamaïque.
Une crise humanitaire à grande échelle
La violence des gangs ne se limite pas aux pertes humaines. Elle entraîne aussi une dégradation massive des conditions de vie. Selon l’ONU, environ 1,6 million de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë, exacerbée par les actions des gangs qui forcent les agriculteurs à abandonner leurs terres. Les exactions des groupes armés, combinées à un climat d’extrême violence, ont également provoqué le déplacement interne de près de 600 000 personnes, créant une crise migratoire interne d’une ampleur inédite.
Un appel à l’action internationale
L’ONU et les autorités haïtiennes insistent sur la nécessité d’une mobilisation accrue de la communauté internationale. La porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Ravina Shamdasani, a lancé un appel pressant à un soutien logistique et financier accru pour les efforts humanitaires et de sécurité en Haïti. Edgard Leblanc Fils, président du Conseil de transition, a quant à lui évoqué la possibilité de transformer la MMAS en une véritable mission de maintien de la paix, afin de renforcer durablement la sécurité dans le pays.
Face à cette crise multidimensionnelle, la priorité reste de stabiliser la situation sécuritaire, en mettant fin aux violences des gangs et en rétablissant l’ordre public. Mais pour y parvenir, Haïti aura besoin d’une coopération internationale renforcée et de ressources adéquates pour reconstruire ses institutions et soulager la population de la terreur quotidienne.
Haïti se trouve à un carrefour critique de son histoire. La communauté internationale doit répondre à l’urgence et agir avec détermination pour éviter que ce pays ne sombre davantage dans le chaos.