Lundi 11 novembre, Haïti a un nouveau Premier ministre. Alix Didier Fils-Aimé, un homme d’affaires de 58 ans, a prêté serment après le limogeage de son prédécesseur, Garry Conille, qui n’était en fonction que depuis cinq mois. Le Conseil présidentiel de transition, chargé de gérer le pays dans cette période de crise aiguë, a pris cette décision après un conflit ouvert entre le gouvernement sortant et cette instance de transition, sur fond de désaccords sur la gestion des ministères clés du pays.
Dans un discours prononcé en direct à la télévision haïtienne, Alix Didier Fils-Aimé s’est engagé à « travailler sans relâche » pour rétablir la sécurité dans le pays, ravagé par la violence des gangs et l’instabilité politique chronique. Il a affirmé : « Je mets mon énergie, mes compétences et mon patriotisme au service de la cause nationale », tout en appelant à une « cohésion » politique indispensable à la relance du pays, privé de président depuis 2021. Le nouveau Premier ministre a également évoqué la nécessité de convoquer des élections, un sujet sensible dans un pays où la dernière élection présidentielle remonte à 2016.
La nomination de Fils-Aimé intervient dans un contexte de crise multidimensionnelle. En effet, Haïti fait face à des violences de gangs de plus en plus organisées qui contrôlent près de 80 % de la capitale, Port-au-Prince. Ces groupes armés sont responsables d’une vague de meurtres, de pillages, de viols et d’enlèvements contre rançon. La situation a empiré depuis le début de l’année, les gangs ayant uni leurs forces pour renverser le gouvernement de l’ex-Premier ministre Ariel Henry, dont la démission en avril dernier avait conduit à la mise en place du Conseil de transition.
Garry Conille, médecin de formation, avait été nommé en juin dans l’espoir de stabiliser la situation, mais ses efforts ont échoué, en grande partie en raison de son affrontement avec le Conseil de transition. Celui-ci souhaitait procéder à des remaniements au sein du gouvernement, notamment dans les ministères de la Justice, des Finances, de la Défense et de la Santé, mais Conille s’y était opposé, allant jusqu’à qualifier sa révocation de « décision entachée d’illégalité ».
L’instabilité politique en Haïti dure depuis des décennies, exacerbée par l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, qui a plongé le pays dans un vide de pouvoir. Depuis lors, Haïti est privé de président, et les élections n’ont toujours pas été organisées. Les dernières élections remontent à 2016, et la communauté internationale, dont les États-Unis et l’ONU, presse les autorités de transition pour qu’elles s’engagent rapidement sur le chemin électoral.
Cependant, la violence des gangs a non seulement déstabilisé le pays, mais a également créé une crise humanitaire sans précédent. Plus de 700 000 personnes ont été contraintes de fuir leurs domiciles, selon les derniers chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Parmi les déplacés, environ la moitié sont des enfants. En parallèle, le pays connaît une hausse dramatique de la faim, comme l’a récemment signalé l’ONU, ce qui ajoute aux souffrances de la population.
Dans ce contexte, la mission multinationale de soutien à la police, déployée par le Kenya sous l’égide de l’ONU et des États-Unis, peine à inverser la tendance. Bien qu’elle ait déployé environ 400 hommes, la situation ne cesse de se détériorer. Entre juillet et septembre, selon le rapport de la mission de l’ONU en Haïti (Binuh), plus de 1 200 meurtres ont été enregistrés, dont une grande partie imputée aux gangs et aux forces de l’ordre elles-mêmes.
L’insécurité a atteint des niveaux tels que même les vols commerciaux sont désormais détournés. Un avion de la compagnie Spirit Airlines, en provenance des États-Unis, a été touché par des tirs d’armes à feu lundi et a dû atterrir en urgence en République dominicaine voisine. Cet incident est un témoignage supplémentaire de l’ampleur de l’insécurité qui sévit dans le pays.
Le nouveau Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé, devra donc naviguer dans cette mer de troubles et d’incertitudes. Son défi principal sera de restaurer la sécurité et de rétablir un semblant de gouvernance, tout en préparant les conditions pour organiser des élections, même si le chemin semble encore semé d’embûches.