— Par M’A —
La République d’Haïti traverse actuellement l’une des crises humanitaires les plus dévastatrices de son histoire, comme l’a exposé en détail Ulrika Richardson, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général au Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). À l’issue d’une semaine de plaidoyer en Europe, avec des étapes à Bruxelles, Berlin et Genève, Mme Richardson a présenté un tableau alarmant de la situation haïtienne qui requiert une action internationale immédiate et concertée.
La crise sécuritaire prévaut en Haïti, plongeant la population dans un climat de terreur quotidien. Près de 300 gangs, opérant principalement à Port-au-Prince, ont instauré un règne de violence extrême, touchant particulièrement les femmes et les enfants. Selon Mme Richardson, la situation est si grave que les Haïtiens estiment vivre la période la plus difficile de leur histoire moderne. Les gangs, hautement armés, forment des coalitions stratégiques, complexifiant davantage la situation.
La situation des femmes et des enfants est particulièrement préoccupante. Les gangs, en plus de recruter des mineurs pour leurs opérations, utilisent le viol brutal et collectif comme arme de guerre. Une étude menée à Cité-Soleil, une commune de plus de 240 000 habitants, a révélé que 80% des femmes et des filles interrogées ont subi des violences sexuelles et sexistes.
Les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme confirment une recrudescence alarmante des violences en 2023. Plus de 8 000 personnes ont été tuées, blessées ou enlevées, dépassant largement les statistiques de l’année précédente. Les capacités limitées de l’État haïtien entravent la justice, laissant la majorité de ces crimes impunis, alimentant un cycle d’impunité.
La crise s’étend au-delà de la sécurité. Le système de santé haïtien est au bord de l’effondrement en raison d’un manque de financement et d’une fuite des professionnels qualifiés. Les établissements de santé luttent pour rester opérationnels, mettant en danger la vie de nombreux Haïtiens. L’éducation est également gravement affectée, avec une interruption persistante de l’année scolaire depuis quatre ans, accentuée par la pandémie de COVID-19 et le blocage des salaires.
Face à cette catastrophe humanitaire, l’intervention internationale est cruciale. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a autorisé le déploiement d’une force multinationale d’appui à la sécurité en octobre dernier, répondant à la demande du gouvernement haïtien. Cette force, non-onusienne, vise à renforcer la police haïtienne et à réduire la violence causée par les gangs. Le gouvernement kenyan a annoncé l’envoi d’environ 1 000 policiers, tandis que d’autres pays, dont le Sénégal, le Burundi et des nations d’Amérique latine, ont exprimé leur intention d’envoyer des contingents.
Cependant, le déploiement de cette Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) est actuellement suspendu, en raison d’un recours déposé devant la Haute Cour de Nairobi par l’opposant Ekuru Aukot. La Haute Cour examine la légalité du déploiement et doit rendre sa décision le 26 janvier 2024. En attendant, les autorités kényanes se préparent intensivement à la mission, indépendante de l’ONU.
Ulrika Richardson a entrepris une tournée en Europe pour solliciter le soutien de la communauté internationale en faveur d’Haïti. Les réponses qu’elle a reçues, décrites comme « très positives », indiquent une volonté de rester engagé envers Haïti. Cependant, la situation exige des investissements internationaux substantiels et durables pour redonner à Haïti son statut de liberté, dignité et prospérité.
António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, a souligné l’importance d’un accord politique durable en Haïti, comprenant des élections crédibles, participatives et inclusives. Il appelle tous les acteurs politiques haïtiens à se rassembler pour parvenir à un large consensus, garantissant un État de droit et une sécurité durables.
La situation en Haïti exige une réponse internationale immédiate, coordonnée et substantielle. Le destin d’Haïti repose sur la solidarité mondiale et une action rapide pour soulager la souffrance du peuple haïtien et reconstruire les fondations d’une nation stable et prospère. Les Nations Unies et la communauté internationale sont interpellées à agir de toute urgence pour mettre fin à cette crise humanitaire dévastatrice.