— Par Clémentine Maligorne —
L’avenir d’un projet de mine d’or géante en Guyane sera tranché après le mois de juin, selon le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, après des réserves émises lundi par Emmanuel Macron.
La «Montagne d’or», c’est un peu le Notre-Dame-des-Landes guyanais du moment. Ce grand projet de mine d’or à ciel ouvert, en pleine forêt tropicale, est depuis plus d’un an au cœur d’une guerre ouverte entre partisans et opposants. Le gouvernement est sommé par ses détracteurs de le stopper net.
• Qu’est-ce que la «Montagne d’or»?
Il s’agit d’un méga projet industriel d’extraction d’or en Guyane, le plus important projet français de mine d’or à ciel ouvert. Ce site minier de 800 hectares sur 200 mètres de profondeur se situerait à quelques centaines de mètres d’une réserve biologique intégrale, où vivent plus de cent espèces protégées, au sud de Saint-Laurent-du-Maroni. Il faudra pour l’installer déboiser des hectares de la forêt amazonienne qui couvre cette partie de la Guyane. Il est prévu d’utiliser du cyanure pour extraire le métal précieux, à côté d’un fleuve qui, 100 kilomètres plus bas, alimente en eau des villages. Une route devra être construite, en partie sur une piste déjà existante dans la jungle, pour relier la mine à la ville de Saint-Laurent-du-Maroni, située à 120 kilomètres de là. Il serait nécessaire d’implanter une centrale électrique au fioul sur le site ou bien de tirer 125 kilomètres de lignes électriques pour le relier au réseau guyanais, qui, à l’heure actuelle, peinerait à fournir l’énergie nécessaire à l’entreprise.
• Qui est à l’origine de ce projet?
Derrière ce projet: un consortium réunissant le groupe minier russe Nordgold, détenu par le milliardaire russe Alexeï Mordashov, et l’entreprise canadienne Colombus Gold. L’exploitation de cette mine est prévue pour 2022.
Ce chantier industriel est soutenu par le patronat local et une partie des élus locaux qui misent sur d’importantes retombées économiques pour le département, notamment sous la forme de créations d’emplois dans un département où le taux de chômage dépasse les 20% (60% chez les jeunes). Selon ses promoteurs, il permettrait la création de 750 emplois directs majoritairement locaux et 3000 emplois indirects. Mais il est aussi vivement combattu par les associations de défense de l’environnement, les écologistes et les organisations amérindiennes de Guyane, qui demandent son abandon pur et simple.
• Pourquoi est-il contesté?
Écologistes et défenseurs de l’environnement dénoncent notamment l’utilisation du cyanure dans l’extraction aurifère, considéré comme un «poison». Ils estiment aussi que «ces mines à ciel ouvert sont des catastrophes environnementales et sanitaires», selon une tribune appelant au retrait de ce projet, publiée début février dans Libération , et notamment signée par le député européen Yannick Jadot. Le ministre de l’Écologie, François de Rugy, a lui-même évoqué lors d’un débat à l’Assemblée, le «risque de drainage minier acide et le risque de rupture de digues d’un bassin à résidus». En novembre 2018, un rapport commandé par le WWF France avait sévèrement critiqué ce projet en remettant en cause les perspectives économiques espérées et l’impact environnemental sur l’écosystème local.
Cette mine est également considérée comme une menace pour les populations autochtones. En début d’année, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU s’était inquiété d’un «manque de consultation ainsi que de l’absence de consentement préalable, libre et informé des populations indigènes de Guyane française concernant le projet minier Montagne d’or». Ce comité s’était également étonné qu’aucune consultation de ces populations ne soit entreprise, «en dépit de l’impact négatif du projet minier sur le contrôle et l’usage des populations indigènes de leurs terres, notamment les menaces pesant sur les écosystèmes, la déforestation et les sites archéologiques».
• La «Montagne d’or» verra-t-elle le jour?
Pour l’heure, rien n’est encore tranché. Lundi, le président de la République – qui avait soutenu l’idée lorsqu’il était ministre de l’Économie – a émis à nouveau de sérieuses réserves sur ce projet minier. «À l’heure actuelle, ce que je sais du projet n’est pas compatible avec l’ambition que je viens de fixer» en termes d’«ambition écologique» et «de biodiversité», a déclaré Emmanuel Macron qui présentait une série de mesures pour protéger la biodiversité en réponse à un rapport alarmant d’experts de l’ONU. Il y a trois mois, il avait déjà jugé que le projet n’était «pas au meilleur niveau» en matière de respect de l’environnement.
Émettant lui aussi des bémols sur cette «Montagne d’or», le ministre de la Transition écologique a rappelé mardi matin sur RTL que l’avenir de ce projet minier serait tranché après le mois de juin, en conseil de défense écologique. D’ici là, François de Rugy prévoit de se rendre sur place «au mois de juin», pour «rencontrer aussi les communautés amérindiennes qui sont opposées à ce projet». «Ensuite nous serons amenés à prendre une décision» a-t-il assuré. Il a rappelé par ailleurs que le gouvernement souhaitait revoir le code minier qui fixe les règles d’attribution des grands projets miniers. Objectif: que les exigences environnementales soient prises en compte.
En face, la compagnie Montagne d’or se dit «plus que jamais ouverte à un échange constructif avec le gouvernement» pour améliorer son projet. L’entreprise souhaite «offrir au territoire guyanais les moyens de développer une industrie minière responsable».
Source: LeFigaro.fr