Les 8 & 9 mars 2023 à 19h 30 au T.A.C.
— Par Selim Lander —
Qui en France peut se targuer de connaître Madame Merkel (née en 1954, désormais retraitée), celle dont on a pu dire, pourtant, qu’elle était « la femme la plus puissante du monde » mais qui a toujours voulu préserver sa vie privée ? Puissante, certes, elle le fut pendant les seize années (2005-2021) où elle fut la chancelière allemande, puissante comme l’économie de son pays, longtemps premier exportateur mondial et qui se bat désormais avec les Etats-Unis pour la deuxième place derrière la Chine. Nous savons d’ailleurs, même si ce n’est pas dit dans la pièce que lui consacre Anna Fournier que l’objectif premier de sa politique fut de conforter la puissance économique de son pays, sans autre morale que celle de l’intérêt. D’où son attitude systématiquement bienveillante à l’égard de la Chine et de la Russie.
À la fin de la pièce, Angela Merkel fera d’ailleurs contrition à propos de ses relations avec Poutine. Pas cependant en ce qui concerne son attitude lors de l’attitude de la dette grecque (2005), lorsqu’elle contribua par son intransigeance à mettre la Grèce à genoux. Cet épisode est évoqué dans la pièce sous la forme d’un entretien téléphonique avec Alexis Tsipras, le premier ministre grec, qui l’accuse de tous les maux sans la faire bouger d’un iota.
Anna Fournier est seule en scène, c’est donc elle qui interprète tous les personnages, soit quelques-uns de ses proches (son second mari Joachim Sauer, physicien comme elle, Merkel étant le nom du mari précédent), sa chargée de communication, personnage pétulant, son directeur de cabinet, Helmut Kohl son mentor qu’elle finira par trahir pour accéder au poste suprême, Poutine (est évoqué l’épisode où il la reçût accompagné de son chien, alors qu’il savait pertinemment qu’elle avait peur des chiens : nul n’est parfait), Obama et enfin et surtout les présidents français successifs qu’elle a côtoyés par le force des choses : Chirac, Sarkozy Hollande, Macron.
La pièce joue à fond sur les travers et les ridicules de nos présidents (Sarkozy comparé par exemple à Louis de Funès). Comme nous aimons bien, en France, moquer ceux qui nous gouvernent, un tel french bashing passe très bien auprès du public. De toute façon, la pièce ne cherche pas midi à quatorze heures, elle n’est pas un résumé de l’histoire des relations franco-allemande pendant les dernières décennies ; c’est un divertissement qui atteint son but, comme le montre la réaction du public, et c’est déjà très bien.
Anna Fournier est en effet une bonne comédienne et on sent qu’elle prend un plaisir particulier à jouer cette pièce qu’elle a elle-même écrite. Avec comme accessoires une simple veste rouge sur col mao, une veste qu’elle changera parfois contre un manteau gris (plus un casque à pointe pour camper, un moment, un Bismarck vindicatif), elle passe sans difficulté d’un personnage à l’autre, d’une voix à l’autre, elle chante parfois. La musique reste discrète ; on l’apprécie d’autant plus. Il lui arrive de chanter. Elle n’a pas recours à des projections des personnages réels ou des lieux où se déroulent les actions successives, contrairement à ce qu’on pourrait peut-être imaginer dans ce spectacle qui prend parfois l’allure d’un stand up plutôt que d’un seul en scène.
En tournée au Théâtre municipal de Fort-de-France du 7 au 9 mars 2023.