— Par Jean-Marie Nol —
La situation économique et sociale en France doit-elle alerter ? Les guadeloupéens et Martiniquais ont-ils des raisons d’être inquiets avec l’amorce de la mort probable du progrès social de la départementalisation ? Autant de questions qui nous laisseront bientôt vides et angoissés en 2019 !
Un peu vieillissante et non attractive, sûrement pas compétitive , bardé de nouvelles technologies et doté d’un système politique obsolète : voici le visage qu’offre nos pays la Guadeloupe et la Martinique aujourd’hui.
Et vous, vous la voyez comment, la Guadeloupe et la Martinique de demain ? Toute verte, avec plein d’éoliennes et de panneaux solaires ? Grisonnante, comme les tempes de ses habitants ? Rouge de colère, déchirée par les attaques de la révolution numérique et l’intelligence artificielle et les mouvements sociaux ? «A ce petit jeu, on peut faire défiler tout l’arc-en-ciel».
Hélas ! Pour la plupart des experts, une couleur semble quand même l’emporter sur les autres : le noir. A première vue, la Guadeloupe tout comme la Martinique d’aujourd’hui semble en effet bien mal partie pour affronter l’avenir. Écrasée par les déficits des collectivités locales , minée par un chômage structurel, pénalisée par des coûts de production excessifs, grevée par un taux de prélèvements obligatoires record (42,8%), rongée par les divisions et les corporatismes, elle a le plus grand mal à préserver son fragile tissu économique.
Et les «déclinologues» de tout bord s’en donnent à cœur joie pour lui prédire le pire. «Nous accumulons dangereusement les retards», assène Victorin Lurel . «Notre modèle économique et social est à bout de souffle», renchérit Alain Plaisir . Quant à l’économiste Dolto , il nous annonce sobrement que la Guadeloupe va «droit dans le mur»,sous entendu si elle ne change pas son modèle économique et social actuel .
L’idée d’une amélioration infinie de notre niveau de vie, grâce à la départementalisation , qui tenait lieu de religion laïque en Guadeloupe , a laissé la place à un pessimisme sombre. Il n’a jamais été plus palpable qu’en cette fin de 2018. Alors 2019, serait-il le clap de fin pour la départementalisation ?
Ne pas lire , ne pas voir, ne pas entendre, ne pas parler des choses qui fâchent bref, faire l’autruche est devenu le crédo de nombre de guadeloupéens . Depuis longtemps en Guadeloupe , tout le monde parle de prise de conscience, et personne ne se demande ce que cela implique comme responsabilité.Or, depuis des décennies, la Guadeloupe doute d’elle-même. Elle se sent menacée dans sa culture, dans son modèle social, dans ses croyances profondes. Elle doute de ce qui l’a faite. Dans une décennie , notre pays la Guadeloupe sera engagée dans une mutation profonde. Le paysage politique , économique et social que nous connaissons depuis tant et tant d’années va s’évanouir sous nos yeux, en quelques années . Les partis anciens, les ententes ordinaires entre monopoles du monde économique , les compromis sociaux avec les transferts financiers de la « métropole » ,le mode de vie actuel , tout cela va s’effondrer sous nos yeux stupéfaits . Et cette mutation profonde, nous la subirons même si nous ne l’avons pas voulue. En un sens, nous n’en sommes pas conscients et c’est là le plus grave ! Ce que nous pensions connaître de la Guadeloupe et de ses ressorts va changer à grande vitesse. Pourquoi cette mutation ? À quoi correspond-elle ? Bien sûr, certains vous diront que tout cela ne compte pas. Certains nombreux vous expliqueront que rien ne se passera et que la nature va reprendre ses droits et que le Guadeloupéen finira par s’adapter et retrouvera le sel de son esprit de résistance. A notre sens , tout ça , c’est au mieux des chimères et au pire des mensonges ! Alors , mettons-nous à nous poser cette question. Allons nous nous perdre dans cet avenir incertain ? Ce qui est logique car tout aura lieu à travers le changement à venir , et nous sommes nombreux à ne pas en être conscients. . Comment y répondre et ce alors que le monde en général et la post-modernité seront bientôt aux antipodes de la quête d’identité actuelle des guadeloupéens . Je ne me réjouis pas de cette situation, mais je me dis finalement que le guadeloupéen aura besoin d’entrer dans des impasses comme celle de la destruction créatrice pour mieux comprendre. Les impasses peuvent soit finir sur un chaos généralisé, soit permettre d’initier autre chose. Le chaos est tout à fait possible pour la Guadeloupe : une sorte de cocotte-minute d’incertitudes et d’inquiétudes qui minera les âmes et les consciences et videra le porte-feuille des guadeloupéens . Depuis de nombreuses années, on nous bourre le crâne pour nous faire acheter le plus de choses possible: la nouvelle voiture, le dernier iPhone, beaucoup de vêtements, de chaussures… Plus ou moins tout ce que nous pouvons posséder. Peu de gens ont compris que le chemin à prendre n’était pas celui là ! Et, tout ceci va laisser des cicatrices dans les mémoires, renforcées encore par des croyances limitantes installées dans les premières années de la départementalisation qui vont générer et entretenir cette peur du manque que nous allons bientôt connaître avec la chute très probable de notre niveau de vie, qui va produire encore plus de manque. je pense néanmoins qu’une des causes essentielles de cette indifférence des guadeloupéens à la prochaine mutation de la société , qui semble défier le sens commun, est qu’une grande partie des gens sentent plus ou moins confusément qu’un monde est en train de se construire dans lequel ils n’auront plus de place. Ce n’est pas une simple réaction à l’ignorance de notre peuple sur les grands enjeux de demain , c’est une peur de se retrouver « assignés à résidence », pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron, sans utilité ( des gens qui ne sont rien ) pour cette nouvelle société technologique et automatisée. Cette utopie d’un monde radicalement nouveau ou la société de production remplacerait la société de consommation avec un niveau de revenus inchangé, fortement alimentée par certains nationalistes , a été le creuset de beaucoup de fantasmes. Mais force est de reconnaître qu’en cette fin 2018 , de fait, c’est un peu obsolète comme analyse , sinon vraiment faux . Ce qui implique une profonde révision dans notre vision sociologique du travail et de la société. On assistera en effet à une accélération exponentielle de la révolution numérique , et nous ne rendons pas service à la jeunesse si nous lui laissons croire que le monde qu’elle s’apprête à traverser est celui de ses parents, ça n’est pas vrai. Aujourd’hui, le temps est venu pour la Guadeloupe de se hisser à la hauteur de l’enjeu . La division et les fractures qui parcourent notre société doivent être surmontées, qu’elles soient économiques, sociales, politiques ou morales ; Qu’il s’agisse de la crise démographique ou migratoire , du défi climatique, des dérives sociales, des excès du capitalisme mondial, et bien sûr du numérique ; plus rien désormais ne frappe les uns en épargnant les autres. Nous sommes tous désormais interdépendants. L’interdépendance sociale est la donne la plus évidente en Guadeloupe . Désormais, tous ceux que vous utilisez et consommez, vous le devez à autrui ! Par exemple aux contribuables français… Car la Guadeloupe ainsi que la Martinique ne produisent rien ou si peu de richesse. Cette politique d’assistanat qui supplée cette insuffisance de production de richesse et qui prévaut actuellement a atteint maintenant ses limites et c’est de cela dont il sera question en 2019.
Jean-Marie Nol