Dans le dossier Elections dans les Outre-mer du journal Le Monde
Les électeurs auront le choix entre 14 listes à la Martinique et 12 à la Guadeloupe
Fort-de-France – correspondance de Jean-Michel Hauteville
« Nous ne pouvons plus nous résigner à voir nos jeunes partir par milliers chaque année » martèle, lors d’un meeting de campagne, vendredi 4 juin, Jean-Philippe Nilor, tête de la liste régionaliste martiniquaise Ansanm pou péyi-nou (Ensemble pour notre pays), en lice pour les élections territoriales. « C’est un discours mortifère » , tonne le tribun. Dans la halle du marché du Lamentin, la deuxième ville de l’île, en dépit de l’heure tardive et des trois heures d’allocutions qui ont précédé cette intervention, l’audience approuve avec un enthousiasme fervent.
L’émigration des forces vives – étudiants, demandeurs d’emploi, jeunes actifs diplômés ou non – loin des rivages de leur île est un des thèmes majeurs de cette campagne. La société martiniquaise est hantée par le spectre d’un dépeuplement amorcé il y a une décennie : après avoir culminé à 396 000 habitants lors du recensement de 2009, la population de la Martinique a reculé de 7 %, pour tomber à 369 400 habitants en 2018. Ce déclin démographique s’est même accéléré ces dernières années, laissant entrevoir un avenir bien sombre : selon plusieurs projections, la Martinique sera, à l’horizon 2050, le département le plus vieux de France. Les 14 listes pour le scrutin territorial des 20 et 27 juin – le deuxième de ce type depuis la fusion des conseils général et régional en une collectivité unique – rivalisent de propositions pour remédier à cet exode de sœurs, de frères, de fils et de filles qui n’épargne aucune famille martiniquaise.
« Paysage politique morcelé »
Outre cette saignée démographique, les problèmes à résoudre pour qui veut prendre le contrôle de la collectivité territoriale de Martinique (CTM) sont légion. Parmi ceux-ci figure en bonne place le dossier du chlordécone, un scandale de pollution par un pesticide employé dans les bananeraies, qui pourrait persister dans les sols durant des siècles, compromettant l’agriculture et la pêche sur une large portion du territoire.
Il y a aussi le fonctionnement même de cette collectivité, créée en 2015. Au terme de sa première mandature, le bilan n’est guère brillant. « La CTM aurait pu créer des synergies, des économies,de la simpliícation, en se substituant au département et à la région. Mais aucun de ces objectifs n’a été atteint » déplore Justin Daniel, directeur du laboratoire caribéen de sciences sociales au pôle Martinique de l’université des Antilles , « Les citoyens ne sont pas gagnants car la gestion est plus compliquée » poursuit l’universitaire, qui a enjoint aux élus de clarifier les rapports, émaillés de conflits, entre l’organe exécutif de la collectivité unique et l’assemblée territoriale.
Une gageure pour les futurs conseillers territoriaux, d’autant que le nombre record de listes en compétition trahit , « un paysage politique extrêmement morcelé qui rendra difficile la création d’une majorité cohérente capable de formuler une vision pour la Martinique » estime M. Daniel…
Lire la Suite & Plus = > Le dossier Élections dans les Outre-mer du journal Le monde du 15 juin 2021