Septembre 2019 : propositions de l’UFM
I – Le contexte :
En France :
L’importante mobilisation des associations féministes et des familles des victimes, suite au nombre de femmes victimes de violences depuis le début de l’année : 101 à ce jour.
Le gouvernement propose la tenue du Grenelle pour lutter contre les violences envers les femmes en septembre.
En Martinique :
26 femmes assassinées depuis 1998
L’Union des Femmes de Martinique (UFM), choquée avec toute la population de Martinique par le meurtre d’une nouvelle femme (Jessica) en janvier 2018, 4 mois après celui horrible d’une autre femme (Leila) et de ses enfants, a lancé une pétition au lendemain de cet énième féminicide aveugle et gratuit de trop en Martinique.
Ceci afin que les pouvoirs locaux, premiers acteurs de proximité auprès de leur population puissent, au côté des efforts que déploient sans cesse les associations du secteur, mettent enfin en place une véritable politique locale de lutte contre les violences à l’encontre des femmes.
Avec nos moyens limités, nous avons enregistré le nombre impressionnant de plus de 11 000 signatures.
Le résultat de cette pétition a été envoyé à plusieurs destinataires :
– Préfet
– Procureur de la République
– Mmes et MM. les parlementaires
– Déléguée Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité
– Président de la CTM
– Président de la Communauté d’Agglomération du Centre de la Martinique
– Président de la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud de Martinique
– Président de la Communauté de Pays Nord de Martinique
– Président de l’association des maires de Martinique
Ces féminicides ne doivent pas cacher les milliers de femmes victimes de violences en souffrance au quotidien.
II – Les constats
II – A Statistiques du Pôle Accueil et Accompagnement des femmes victimes de violences :
– 2018
– la Maison de Solange : Espace d’Ecoute, d’Information et d’Accompagnement pour femmes victimes de violences
– les permanences de Trinité et Ducos
1 450 passages
323 nouveaux dossiers de femmes créés.
– Statistiques mi-2019
Au 30 juin : 810 venues – 144 nouvelles femmes.
II – B – Notre expérience par les femmes que nous recevons :
Problèmes avec la police et la gendarmerie, qui impactent sur l’accompagnement des femmes victimes et peuvent les mettre en danger
– personnels de police et gendarmerie pas assez formés même si un effort a été fait. Formation faite mais pas assez et pas assez souvent : turn over important
40 gendarmes et 9 policiers en 2018 par l’UFM, pas d’autre formation à notre connaissance
– les policiers municipaux n’ont pas de formation. Ils ont un pouvoir délégué de l’État.
Les faits le montrent :
– mains courantes prises au lieu de plaintes encore faites dans les gendarmeries de Schoelcher, Ducos, François, Robert : l’UFM doit orienter les femmes vers les intervenantes sociales.
– Injonction faites aux femmes de porter plainte sinon rien. Alors que certaines femmes ne sont pas prêtes : risque qu’il n’y ait pas plainte. Il serait mieux de les orienter vers les intervenantes sociales.
– Quand la gendarmerie est fermée : il est demandé à la femme de revenir le lendemain, sans lui donner les informations d’urgence (115).
– les gendarmes opposent la compétence territoriale au lieu de prendre la plainte quel que soit le lieu de résidence de la victime.
– L’accueil laisse à désirer en particulier avec des femmes ayant des troubles psy ou en incapacité de s’exprimer : pas prises au sérieux, sa parole remise en doute.
– Très souvent, la gendarmerie appelée ne se déplace pas : o Suite à des faits de violences, « parce qu’il n’y a pas de sang ».
Quand des témoins appellent pour signaler des violences, « si vous ne savez pas vraiment qui la frappe, on ne vient pas », alors qu’on demande de plus en plus à la population d’être actrice et d’intervenir, de en pas être indifférente
– La police de Fort de France est plus efficace que la police du Lamentin. Se déplace plus que celle du Lamentin et les gendarmes.
– Après 2 ou 3 plaintes, pas de convocation du mis en cause, pas de connaissance du suivi de la plainte par la femme. C’est l’UFM qui peut avoir les informations par le biais des intervenantes sociales.
– Pas d’information donnée systématiquement aux femmes qu’elles peuvent demander une ordonnance de protection.
– L’ordonnance de protection n’est pas toujours respectée, plongeant la femme dans des angoisses (la nuit …)
– Faible considération pour les enfants victimes : pas de moyens spécifiques d’accompagnement (sauf dans le cadre de l’accueil en hébergement par l’ALEFPA) . Les femmes font à leurs frais.
Questions :
– Comment fonctionnent les horaires d’ouverture des gendarmeries, permanences des services de secours ?
– Ne peut-on sanctionner les fonctionnaires de police et de gendarmerie qui ne respectent pas les procédures ?
– comment s’assurer du respect de l’ordonnance de protection par l’auteur ? (bracelet électronique systématique ?)
– pas de référent-e territorial-e violence depuis 2017 : obligation du préfet ? à intégrer dans le dispositif
– comment sanctionner un délégué syndical auteur de violences, qui reste en place ? doit être démis de ses fonctions par le syndicat.
III – Nos propositions
III – A Les propositions de la FNSF
L’UFM est membre de la Fédération Nationale Solidarité Femmes, qui regroupe les associations féministes qui ont des structures d’accueil des femmes victimes de violences, et est en charge du 3919 numéro d’appel national.
Nous sommes partie prenante des propositions faite par la FNSF, qui s’appliquent au niveau de toute la France, comme au niveau territorial (document joint).
III – B Les propositions spécifiques
Autour de 4 thématiques :
– 1 – améliorer le dispositif d’accompagnement
– 2 – renforcer la prévention et la formation de personnes ressources
– 3 – donner les moyens de fonctionner sereinement
– 4 – organiser en local les acteurs-actrices de façon permanente pour une vraie politique
Notre situation est spécifique par rapport à l’hexagone (cf rapport CESE) :
– un taux de violences intra-familiales plus important
– des situations de femmes et difficultés d’insertion accrues par notre situation économique et sociale
– des assises sur les violences envers les femmes dans les outremers se sont tenues à Paris en avril 2019. Les conclusions sont en cours et doivent être intégrées dans la démarche
III – B – 1- Amélioration du dispositif d’accompagnement :
Propositions pour l’UFM :
– 3919 : horaires non adaptés (décalage horaire), ligne pas créolophone alors que la Guadeloupe a une ligne spécifique. 100 appels vers le 3919 de Martinique, qui renvoient vers l’UFM en donnant le numéro.
Donner les moyens à l’UFM d’être la plateforme spécialisée locale avec des horaires étendus et du personnel formé et des moyens pérennes, notre numéro étant déjà connu et notre expertise reconnue.
– Pouvoir augmenter les lieux décentralisés d’accueil des femmes (actuellement Trinité et Ducos) : nord caraïbe, sud, où pouvoir former des relais référents violences envers les femmes – présence dans le justibus de l’Espace Sud – permanences dans les Maisons de Service Public.
– Permanences possibles d’un policier à l’UFM pour permettre aux femmes de porter plainte sur place et/ou donner des informations.
– Temps d’échange régulier de l’UFM avec la police pour les informations que nous demandent les femmes.
– Avoir des référent-es formé-es dans les services de l’État et des collectivités : ex aux impôts, dans les municipalités …
– Plateforme de signalement en ligne inconnue du grand public : affiches à poser dans les services publics : hôpitaux, police, gendarmerie, collectivités, CEPIOF …
– manque de places d’hébergement et d’hébergement d’urgence (ALEFPA souvent en manque de places) : qu’en est-il du CENDRA ?
III – B – 2 – Prévention
Il y a plus de violences conjugales que de tués ou blessés sur les routes, et déséquilibre entre les moyens mis en place pour les accidentés de la route et les violences envers les femmes.
Propositions :
– financement de plusieurs campagnes de prévention dans l’année
– aller où les femmes en particulier et la population sont, pour faire des informations dans tous les évènements grand public (tour des yoles, course cycliste …) comme pour tous autres les risques (alcool, IST, prévention routière …), les transports en commun …
– politique de communication dynamique et permanente avec dépliant avec les numéros d’urgence, affiches, panneaux permanents… disponibles partout
– Information large sur le site pour les mineurs concernant le signalement de photos, vidéos … sans leur accord : à rentre présent dans tous les établissements scolaires (pas le cas actuellement).
– CLPD des villes prévoient des actions spécifiques de lutte contre les violences faites aux femmes. Pas de visibilité sur les actions mises en place par le préfet dans le cadre de ces contrats.
– les critères de choix de l’ARS en matière de prévention dans les établissements scolaires en territorialité : les besoins ne sont pas les mêmes partout, ne correspondent pas à la réalité.
– Analyse approfondie et régulière de cas de parcours de femmes ayant posé problème, à partir des vécus
III – B – 3 – Moyens pour l’UFM de fonctionner de façon claire et sereine, pour répondre à une mission d’intérêt public
Il ne s’agit pas d’un projet annuel, mais d’un besoin pérenne.
Nos crédits sont octroyés tardivement, les montants sont incertains.
Beaucoup de temps et d’énergie passés à faire des demandes budgétaires, relancer à de multiples reprises, … angoisse pour le paiement des salariées…
Pas de visibilité à moyen ou long terme, pas de possibilité de concevoir une politique pluriannuelle des actions.
Nous demandons une pérennisation de nos crédits : contrats pluriannuels pour l’Etat et nous appuyer auprès pour nos demandes de conventions pluriannuelles des autres organismes.
Pouvoir répondre aux demandes croissantes de formation par une augmentation des crédits dédiés à la formation : montée en charge du dispositif de formation/prévention.
III – B – 4 – Mise en place d’un dispositif pérenne et régulier de coordination de la politique territoriale de lutte contre les violences envers les femmes (comme mis en place pour le chlordécone par exemple) : Commission territoriale
– Regroupement et coordination de tous les acteurs/actrices, en transparence
– En y incluant régulièrement la parole des femmes victimes volontaires
– Connaissance de toutes les actions en cours et des statistiques : circulation de l’information
– Propositions, suivi et évaluation des actions
– rôle et les prérogatives de l’Observatoire territorial à clarifier
Nous demandons la traduction de la grande cause nationale dans le territoire.