—Par Stéphanie Binet et Véronique Mortaigne —
Le jazz est la musique classique américaine : le concept a été forgé par le pianiste Billy Taylor et repris à l’envi par le compositeur Duke Ellington et la chanteuse Nina Simone, dont la carrière de concertiste fut empêchée par la couleur de sa peau.
Fondé en 1968, l’Art Ensemble of Chicago, formation free-jazz et politique, étend le domaine de la lutte en utilisant le terme de great black music. Son trompettiste et idéologue, Lester Bowie, était parti à la recherche de la fierté noire en parcourant la Jamaïque, île dont étaient originaires Marcus Garvey et le rastafarisme, culte au roi noir, l’Ethiopien Haïlé Sélassié. Puis, il avait débarqué en 1977 au Nigeria, où Fela Kuti inventait l’afro-beat.
ON Y ZIGZAGUE AU GRÉ DES ENTHOUSIASMES DES CONCEPTEURS
C’est ce terme de great black music qu’Emmanuel Parent et Marc Benaïche ont choisi pour l’exposition dont ils sont commissaires et qui est présentée à la Cité de la musique à Paris jusqu’au 24 août. Drôle de parcours destiné au grand public, mais proposé de manière sélective. « Great Black Music » est d’abord une exposition de plaisir, ce n’est en aucun cas la grande exposition sur les musiques noires. On y zigzague au gré des enthousiasmes des concepteurs, mélomanes avertis. Ils ont leurs idoles, qui les impressionnent, dont ils débusquent les intentions profondes et les axes de résistance.
La première salle est ainsi une galerie de portraits – Miriam Makeba, Fela Kuti, Gilberto Gil, Youssou N’Dour, Franco, mais aussi Kassav’ou Celia Cruz. De petits films biographiques, avec de nombreuses archives, sont diffusés sur des bornes : des cônes posés au sol, qui ne vont pas supporter plus de trois visiteurs en même temps… La visite aux heures creuses est recommandée. A l’aide d’un smartphone fourni à l’entrée, le chaland pourra recevoir ultérieurement sur son courriel une liste des morceaux qu’il a écoutés.
La grande vertu de « Great Black Music » est d’être débarrassée d’une vision ethnocentriste, occidentale. Dans les recherches des racines, anciennes et voyageuses (une salle consacrée aux rythmes sacrés, avec grands écrans muraux, du gnawa marocain à la santeria cubaine), dans le rappel des formes ethnographiques (une autre salle nommée « Mama Africa »), le propos est politique.
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