— Par Union des Femmes de Martinique—
Notre Martinique est actuellement dans une période charnière.
Des échéances importantes auront lieu en 2014, qui se préparent en ce moment : D’un côté les élections municipales, qui vont modeler les politiques communales et intercommunales pour 6 ans, de l’autre la préparation du PADM (Plan d’Actions de Développement de la Martinique), dont l’objectif est de « créer les conditions d’une Martinique solide », de mettre en place un projet de développement pour le territoire, donc à long terme.
Les orientations issues de ces deux démarches, l’une élective, l’autre en mode projet, influeront de façon importante et durable sur notre pays, son organisation, notre devenir donc.
Dans ce contexte, nous nous posons une question : mais où sont donc les femmes ?
Bon, nous voyons déjà les haussements d’épaules et les yeux au ciel que cela suscitera, mais les faits sont là.
Les élections municipales : où sont les femmes ?
Pour les municipales, certes, la loi prévoit la parité, les femmes seront donc présentes, mais où ?
Les résultats des précédentes municipales, malgré quelques progrès, ont montré que la parité s’arrêtait pour beaucoup aux exigences de la loi : combien de femmes deuxièmes sur les listes électorales se sont retrouvées descendues au xième rang des adjoints au maires, chargées des questions traditionnellement dévolues aux femmes : la petite enfance, les écoles, l’action sociale, les personnes âgées… ? et quant aux communes non soumises à l’obligation de parité, combien avaient quand même eu la préoccupation de parité?
Parmi les premiers candidats qui commencent à se faire connaitre, une seule femme.
Une candidate à la candidature publiquement déclarée s’est vue préférer un homme, alors que de l’aveu même du maire choisissant son dauphin, « les 2 ont des compétences et des atouts, mais j’ai préféré l’autre ». On peut se dire que la possibilité d’avoir une 2eme femme maire en Martinique dans un contexte, de plus, favorable, aurait pu être un élément de choix pour une candidature de tête de liste féminine.
Alors, qu’attendent nos partis politiques, nos regroupements communaux, pour se décider? L’argument de l’absence de femmes possibles candidates ne tient plus. Nous savons leur engagement dans la vie citoyenne, il s’agit maintenant de faire qu’il se transforme en vrai pouvoir de décision.
Le PADM : où sont les femmes ?
Le constat est le même pour le Plan d’Actions de Développement de la Martinique, dans les responsabilités.
Un comité de pilotage composé de 6 hommes et d’une seule femme.
Même si les femmes sont présentes dans les ateliers, les modérateurs d’ateliers? si peu de femmes …
Le programme des conférenciers prévus? sur 10, une seule femme.
Une plaquette de présentation rédigée tout en masculin : « tout martiniquais », « les citoyens », « la mobilisation de tous », « au bien-être, au bien-vivre et au beau-vivre pour tous »
Certes, on a prévu un atelier « économie féminine ». Mais la participation des femmes à ce grand projet de société se circonscrit-elle à « l’économie féminine » (dont on aimerait connaître les contours)?
Au-delà de l’égalité statistique, il faut des politiques égalitaires femmes-hommes
Les femmes ne sont pas seulement absentes en nombre, mais aussi dans les réflexions sur les projets à venir.
Si les candidats pour les municipales commencent à se faire connaitre, nous n’avons pas vraiment encore entendu parler de programme…
Pour le PADM, rien ne transparait à travers la présentation du projet, les principes énoncés, les thématiques et les ateliers.
Aujourd’hui, on reconnait de plus en plus que, parce que femmes et hommes ont des places différentes dans la société, elles et ils ont des besoins différents à prendre en compte par une approche de genre dans les politiques publiques : la santé, la sécurité, les transports, l’emploi …
Qu’on ne nous dise pas que cela va de soi : nous savons bien que ce qui n’est pas formalisé part bien vite aux oubliettes. Les femmes en ont assez souvent fait les frais.
Des études de « gender budgeting »* permettent de mettre en lumière comment l’utilisation des budgets a des politiques que l’on croit « pour tous » sont en réalité défavorables aux femmes. Les réflexions pour notre avenir méritent donc de s’appuyer sur toutes ces approches novatrices pour mener des analyses sexuées, l’élaboration de projets différenciés, une mise en œuvre attentive a instaurer une égalité de chances.
Cette préoccupation devrait traverser tous les projets politiques structurants pour notre pays.
Femmes, soyons présentes ! Et vous, messieurs impliquez-vous !
Nous ne devons pas laisser passer cette opportunité qui existe aujourd’hui d’avancer résolument vers une plus grande égalité entre les femmes et les hommes dans les années qui viennent.
Nous lançons un appel aux femmes : soyez présentes pour ces échéances: montrez-vous, imposez-vous sans complexe, revendiquez une organisation qui vous permettra de participer a cet exercice de la démocratie (partage des taches, prise en charge des enfants, horaires de réunions, …)
Soyez aussi les relais des contraintes et préoccupations des femmes pour aller vers des politiques, des projets plus égalitaires.
Nous interpellons aussi ceux et celles qui ont pouvoir de décision politique, pour y réfléchir. Il n’est pas trop tard pour élargir la réflexion, et changer d’orientation.
Pour aller, dirons-nous en complétant le dernier principe du PADM, vers une Martinique solide, visant « au bien-être, au bien-vivre et au beau-vivre pour toutes et tous »
Fort de France, le 15 octobre 2013
Pour l’Union des Femmes de la Martinique,
Rita Bonheur
*Gender budgeting : « une application de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus budgétaire. Cela implique une évaluation des budgets existants avec une perspective de genre à tous les niveaux du processus budgétaire, ainsi qu’une restructuration des revenus et des dépenses dans le but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. » (Conseil de l’Europe)