A Madiana
—Par Guy Gabriel —
Avec Daniel Kaluuya, Allison Williams, Catherine Keeler, Bradley Whitford.
Chris, un jeune afro-américain, est invité chez les parents de sa petite amie blanche ; accueil chaleureux dans une demeure ultra-chic, dans un premier temps, mais très vite, et surtout à l’arrivée d’autres invités, l’atmosphère va se tendre et une série d’incidents va révéler l’inimaginable. Ce qui était proche de la gentillesse va devenir progressivement menaçant, les personnages souriants vont devenir inquiétants…
Voilà un film surprenant, mélange parfait de comédie et d’horreur, sur le racisme latent traité avec un brio réjouissant par un jeune réalisateur afro-américain qui ne manque pas d’originalité.
Jordan nous dit comment le pire peut se trouver dans une situation clean et derrière des visages les plus amènes ; mais assez rapidement, on est mal à l’aise, car tant de gentillesse, semble cacher des douleurs à venir. Tout cela est amené avec un humour déstabilisant, prouvant que l’humour et l’horreur peuvent curieusement cohabiter, le premier étant révélateur du second, ce que Peele exprime en disant lors d’une interview : « J’aime le build-up (accumulation), l’intuition de ce qui va arriver. En faisant comprendre au spectateur que vous vous dirigez vers quelque chose d’horrible, vous laissez son imagination faire le boulot ». Pari parfaitement réussi avec Get out, un film politiquement incorrect sur cette Amérique qui a bien du mal à se débarrasser de ce vieux démon qui lui colle à la peau, qu’est le racisme.
Get out est, en ce sens un thriller efficace, malin, drôle et inquiétant, sur fond de psychologie, qui rejoint, par certains côtés ses illustres prédécesseurs Rosemary’s baby et autres La maison du diable(Amytiville) ou Paranormal Activity ; mais s’en démarque parce que le propos, habile, par son postulat qui se dévoile, à mesure qu’on avance, détourne les éléments habituels du film d’horreur, en les remplaçant par le racisme ordinaire ; jouissif et dérangeant à la fois, Get out est un film qui vaut le détour qui aspire le spectateur, intelligemment, dans un malaise qui se confirme au fil des images, images qui dévoilent petit à petit la bizarrerie de personnages, a priori, normaux, une manière de nous faire comprendre que « l’anticipation de l’horreur est la forme de tension la plus efficace ».
Le film de Peele sait utiliser le genre pour parler politique et psychologie rétrogrades et fait oublier le « Devine qui vient diner » de Stanley Kramer avec le jeune Sidney Poitier, en se plaçant d’emblée dans la modernité sachant donner sens à l’expression « être noir dans l’Amérique post-Obama ».
Guy Gabriel