La responsabilité de la CTM en matière de politique des eaux potables
— Par Sabrina Solar —
La gestion de l’eau potable dans les territoires d’Outre-mer, notamment en Guadeloupe et en Martinique, est loin d’être sereine. Les récentes données révèlent une situation alarmante, avec des taux de fuites atteignant des niveaux préoccupants.
Selon un rapport récent de la Cour des comptes, la Guadeloupe est l’un des territoires les plus touchés, avec un taux de perte dans le réseau d’eau potable atteignant jusqu’à 60,4 % en moyenne. Ce chiffre effarant grimpe même jusqu’à 80 % dans certaines zones de l’île. De son côté, la Martinique ne fait pas mieux, avec un taux de perte global s’élevant à près de 48 % en 2019.
Les conséquences de ces fuites d’eau sont multiples et graves. Non seulement elles représentent une perte économique significative pour les collectivités et les abonnés, mais elles exacerbent également les tensions liées à la gestion des ressources en eau. Avec le réchauffement climatique qui s’intensifie, la demande en eau devient de plus en plus pressante, alors que les ressources se raréfient.
La gestion des conflits d’usage devient alors un enjeu crucial. Dans les régions où l’eau est déjà un bien précieux, chaque goutte compte. Des conflits éclatent entre agriculteurs, particuliers et industries pour accéder à cette ressource vitale. La Cour des comptes cite l’exemple de la rivière Blanche en Martinique, où deux communautés se disputent l’utilisation de l’eau, malgré des accords existants.
Dans le cadre de la politique des eaux en Martinique, la responsabilité est partagée entre plusieurs entités. La Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) joue un rôle crucial en apportant un appui technique et financier aux communes pour les installations de production et de distribution d’eau potable. De plus, elle participe activement aux actions du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) et assure divers services, tels que le prélèvement, le stockage pour l’irrigation, la distribution, l’entretien des réseaux d’eau, ainsi que la mise en place de périmètres de protection des captages et le suivi de la ressource. La CTM exerce également un rôle de gestionnaire d’eau potable, notamment avec des installations telles que la prise d’eau en rivière de Vivé Capot.
Par ailleurs, les Communautés d’agglomération ont également un rôle majeur dans la gestion des ressources en eau. En Martinique, elles sont au nombre de trois : la Communauté d’Agglomération du Centre de la Martinique (CACEM), la Communauté d’Agglomération du Pays Nord Martinique (CAPNM), et la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud (CAESM). Ces communautés sont chargées de la gestion de l’eau potable et de l’assainissement, ainsi que de la gestion des eaux pluviales (GEPU) et des milieux aquatiques, incluant la prévention des inondations (GEMAPI).
Dans ce système, la collaboration et la coordination entre la CTM et les communautés d’agglomération sont essentielles pour assurer une gestion efficace et cohérente des ressources en eau sur l’ensemble du territoire martiniquais.
Mais la situation ne fait pas qu’empirer, elle devient également plus complexe à appréhender. Les connaissances sur la ressource en eau dans ces territoires sont limitées, rendant difficile la mise en place de politiques publiques efficaces. Les schémas d’aménagement et de gestion des eaux sont souvent obsolètes et non adaptés à la réalité actuelle, et les prélèvements effectués sont parfois non déclarés, ajoutant à la confusion générale.
Pourtant, des efforts sont entrepris pour remédier à cette situation désastreuse. Des plans d’urgence et de relance sont mis en œuvre, mobilisant des fonds importants pour rénover les réseaux de distribution et réduire les pertes. Des technologies innovantes telles que les compteurs de sectorisations sont déployées pour détecter et réparer rapidement les fuites. Mais malgré ces efforts, le chemin à parcourir reste long.
Il est plus que jamais urgent que les autorités locales et nationales coordonnent leurs actions pour assurer une gestion durable de l’eau dans les territoires ultramarins. Il en va de la sécurité et du bien-être des populations, ainsi que de la préservation de cette ressource essentielle pour l’avenir de ces régions.