Pionnier des constructions durables au service des populations, comme l’école de son village au Burkina Faso, l’architecte Diébédo Francis Kéré a reçu mardi le prix Pritzker, devenant le premier Africain à recevoir la plus haute distinction de la profession. « Grâce à son engagement pour la justice sociale et à l’utilisation intelligente de matériaux locaux pour s’adapter et répondre au climat naturel, il travaille dans des pays marginalisés, où les contraintes et les difficultés sont nombreuses et où l’architecture et les infrastructures sont absentes », ont salué les organisateurs du prix Pritzker dans un communiqué. Il est notamment connu pour son implication dans des projets de vie quotidienne, comme des écoles, et nombre de ses ouvrages sont situés sur le continent africain, notamment au Bénin, Burkina Faso, Mali, Togo, Kenya, et Mozambique.
« Il construit des institutions scolaires contemporaines, des établissements de santé, des logements professionnels, des bâtiments civiques et des espaces publics, souvent dans des pays où les ressources sont fragiles et où la fraternité est vitale », ajoute le prix Pritzker, remis par la fondation Hyatt. Mais l’architecte de 57 ans, qui possède également la nationalité allemande, est depuis longtemps reconnu au niveau international et s’est aussi vu commander des pavillons et installations en Europe et aux Etats-Unis.
En 2004, il avait déjà reçu le prix Aga Khan d’architecture. – Ecole primaire – Parmi ses réalisations phares, figure l’école primaire de Gando, le village burkinabè où il est né et où il a mené d’autres projets. Pour les organisateurs du prix Pritzker, cette école « jette les bases de son idéologie: bâtir une source avec et pour une communauté afin de répondre à un besoin essentiel et de corriger les inégalités sociales ». L’école est conçue pour résister à la chaleur et à des ressources limitées et son succès a conduit à son extension, à la construction de logements pour les enseignants et à une nouvelle bibliothèque. Avec toujours la même ligne directrice, des bâtiments sobres aux tons chauds, sable ou ocre, qui s’insèrent dans le paysage et où la lumière est cruciale.
« Une bonne architecture au Burkina Faso, c’est une salle de classe où l’on peut s’asseoir, avoir une lumière filtrée qui pénètre comme on veut l’utiliser, sur le tableau noir ou sur un bureau », explique l’architecte. « Ce n’est pas parce que vous êtes riche que vous devez gaspiller du matériel. Ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on ne doit pas essayer de créer de la qualité », ajoute Francis Kéré, dans le communiqué du prix Pritzker. « Nous sommes liés les uns aux autres et les préoccupations en matière de climat, de démocratie et de pénurie nous concernent tous », ajoute celui qui partage sa vie entre Berlin et le Burkina Faso. – Mémorial à Sankara – Parmi d’autres réalisations, figure la rénovation du parc National du Mali à Bamako, ou plus récemment un campus pour un réseau de start-up au Kenya.
D’autres sites emblématiques sont toujours en projet selon le site internet de Kéré Architecture, tels un mémorial pour le révolutionnaire et ancien président burkinabè Thomas Sankara ou une nouvelle Assemblée nationale à Ouagadougou, après l’incendie de 2014 lors de la révolte populaire qui a chassé du pouvoir l’ancien président du Burkina Faso Blaise Compaoré. Dans le sillage du Mali et du Niger, le Burkina Faso est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées à des mouvements jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique, qui ont fait plus de 2.000 morts dans le pays et contraint au moins 1,7 million de personnes à fuir leurs foyers.
L’année dernière, le prix Pritzker avait été décerné aux Français Jean-Philippe Vassal et Anne Lacaton, apôtres d’une architecture dédiée au bien-être du plus grand nombre, combinant espaces généreux avec budgets modestes et techniques écologiques.
Source : AFP / Le Courrier Cauchois