— Par Jean-Marie Nol, économiste —
« L’Avenir de France-Antilles se jouera dans les 30 prochains jours » c’est le directeur général de France Antilles qui lance, ce dernier samedi, ce cri d’alerte,dans une adresse à la population des Antilles et de la Guyane. Nous notons que le texte lui-même, remarquablement argumenté laisse peu de place à une sortie de crise positive. S’agissant des difficultés de la presse quotidienne , le message du directeur général de France Antilles laisse toutefois percer quelques inquiétudes pour l’avenir des médias de la presse écrite qui existent encore dans les trois départements Antillo-guyanais . Et cela pour plusieurs raisons, la première étant qu’aucun journal quotidien n’a plus été rentable depuis l’invention de la radio, puis de la télévision et enfin de l’Internet. Et cette longue déchéance de France Antilles du fait entre autres de la révolution numérique n’est que le début d’une longue série d’entreprises commerciales amenés à disparaître dans la décennie actuelle. Alors, Il est plus que temps de se projeter vers l’avenir pour ne pas, dans quelques années, n’avoir plus que « nos yeux pour pleurer ».
Avec la révolution numérique, la plupart des secteurs aux Antilles perdraient des emplois, excepté l’éducation, la santé, et l’environnement. Le numérique et la robotisation vont toucher « les classes moyennes, y compris les classes moyennes supérieures ». La brutalité de la mutation à venir est sans commune mesure.
Les défis posés à notre modèle social sont donc immenses. D’autant que la classe moyenne des services représente le « cœur de la démocratie ». Si on ne fait rien, la défiance envers les élites va encore augmenter, avec des impacts politiques graves. Le numérique a déjà remis en cause en France hexagonale le modèle de la presse et de la musique, voire maintenant de la banque et bientôt des hypermarchés . On fait comme s’il s’agissait de cas isolés. Il n’y a aucun débat politique sur le sujet, alors qu’il faudrait anticiper, qualifier, dire la vérité… Il faut créer un électrochoc dans l’opinion dès maintenant, expliquer qu’un grand nombre de métiers seront potentiellement touchés.
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«Le numérique et la robotisation pourraient être aux cols blancs ce que la mondialisation fut aux cols bleus». «Elle va toucher les classes moyennes de Guadeloupe et de la Martinique , y compris les classes moyennes supérieures. C’est-à-dire certaines professions intellectuelles, dont on va pouvoir automatiser certaines tâches, comme les comptables, les juristes, les journalistes… La machine saura faire sans l’homme à très court terme.»
Quelques secteurs seraient épargnés. Pour la santé, et l’éducation, aucune perte d’emploi ne serait à déplorer à cause des robots. L’environnement, la relation clients et les nouvelles technologies devraient encore mieux s’en sortir puisque des postes seraient créés dans ces domaines. A contrario, le tourisme, le bâtiment, l’industrie, l’agriculture,la grande distribution, l’administration publique, et le service aux entreprises devraient être particulièrement touchés. Résultat, sans une action urgente et ciblée dès aujourd’hui pour gérer cette transition à moyen terme et créer une main d’œuvre avec des compétences pour l’avenir, les Antilles devront faire face à un chômage en hausse constante et à des inégalités en forte croissance. Et le changement ne serait pas anodin d’un point de vue social : Des milliers d’emplois sont menacés à bref délai .
Il faut arrêter de tergiverser et prendre acte que nous ne pouvons plus faire reposer la croissance, le progrès, notre avenir sur les contingences du passé. La révolution robotique et singulièrement numérique qui nous attend va remplacer en Guadeloupe et Martinique près de la moitié de la population active par des machines en vingt ans. Digitalisation, numérique, Intelligence artificielle, nanotechnologies, impression 3D et objets connectés vont bouleverser l’économie. Un bouleversement potentiellement catastrophique. Non pas que je doute du mécanisme de la destruction créatrice de l’économiste Schumpeter et de la capacité intellectuelle d’adaptation et d’innovation de nos concitoyens Antillais, mais je doute de la capacité de notre société à encaisser un bouleversement aussi brutal sans basculer dans l’hystérie syndicale, et transformer le rêve de « l’égalité réelle » en cauchemar avant qu’il n’ait le temps de se réaliser. Reste à former dès à présent les travailleurs et les étudiants pour qu’ils puissent occuper les nouveaux emplois de demain.
Jean-Marie Nol, économiste.