—Par Patrick Singaïny, essayiste —
« Français de souche est une expression courante ou une catégorie statistique controversée désignant, dans son sens le plus communément admis, les personnes de nationalité française n’ayant pas d’ascendance étrangère immédiate et n’étant pas issues de l’immigration récente. Elle est souvent opposée à l’expression Français de papier. » (source : Wikipedia, extrait).
Cette définition est bien sûr fausse. Français-de-souche ne désigne pas une identité mais une culture. Il y a, selon moi et de ce point de vue, deux grands types de façon de vivre la citoyenneté en France Hexagonale, même si le terme citoyen est originellement désincarné : les citoyens de France de culture française (placée en sus de ses régionalismes) et les citoyens de France de culture composite (c’est-à-dire qui mêle la culture française avec une autre d’ascendance extra-européenne et postcoloniale). Il me faut insister sur le plus important -notamment à l’adresse de notre jeunesse – : grâce à nos lois, à notre constitution, les deux parties disposent naturellement des mêmes droits et des mêmes devoirs, notamment celui de faire vivre le sentiment d’appartenance à la France, à travers l’exercice de sa devise tripartite : Liberté, Egalité, Fraternité.
« Français de papier »
Si le lecteur parvient à considérer ces deux grands types, il saura comprendre comment progresse le Front National : en faisant coïncider confusément dans nos esprits ma définition et celle de Wikipedia. A ce compte-là – le désir d’exalter son appartenance à la France -, tout le monde est sympathisant du Front National. Mais tout le monde ne peut pas considérer « la préférence nationale » (sous-entendu celle qui ne concernerait secondement que les « Français de papier » ) comme seule arme politique qui vaille contre tous les maux de la France. Car, les citoyens de France de culture composite sont, de fait et depuis longtemps – notamment depuis la reconstruction de la France d’après-guerre -, Français, tout autant que les citoyens de France de culture française.
Notre « vivre ensemble » trop ânonné en ces temps difficiles sera une réalité à partir du moment où nous saurons dépasser ces différences d’origine pour en faire un fondement commun pacifié. Les dépasser ne veut dire en aucune façon laisser tomber les valeurs séculaires de la France, celles qui ont bâti sa grandeur : il nous faut parvenir à sédimenter celles qui viennent depuis longtemps d’ailleurs et qui sont compatibles avec son projet civilisationnel, voire qui le bonifieraient (la pensée d’Edouard Glissant, par exemple, selon laquelle je peux échanger avec l’autre sans me perdre ni me dénaturer nous serait d’une grande aide). Mais tomber hystériquement à bras raccourci sur l’expression « Français de souche » – expression de transition – en pinçant ostensiblement son nez est une posture hypocrite et ne suffit plus à cacher le tabou le plus tenace en France. Arrêtons cela! La recherche et le gain de la modernité de notre démocratie sont à ce prix.
Patrick Singaïny, Essayiste
– « La France une et multiculturelle » , Fayard, 2012.
« Avant, pendant, après le 11 janvier » ,
L’Aube, à paraître en mars 2015.