« Fort-de-France, la capitale grandiloquente » & « Allez jeunesse indomptée »

Par Yves Untel Pastel

Fort-de-France, la capitale grandiloquente

Le long roucoulement de la Rivière-Pilote m’apaise
M’enveloppe le chuchotis de la verte frondaison autour
Je me suis enfui loin de la grande-ville délirante, criarde
Fort-de-France est une grande psychotique profonde
Avec ses occlusions intestines de voitures inutiles

Fort-de-France, cette capitale grandiloquente claudicante
Sur un monceau d’incertitude se dresse cette excroissance
Une tour prétentieuse, une érection de quelque chose
Un chancre moderniste sur la peau d’un pays cadavérique
Une tour bien mal nommée, Lumina, une jetée d’ombre

Ce lourd pied posé sur une terre aux milles cancers
Cet hippopotame de verre qui tient du centre hospitalier
Ce complexe hors sol qui se prétend centre d’affaire
Dans une île où ne poussent que les lotissements et les voitures,
Les hypermarchés où s’accumulent ce vampirique ailleurs

Je me défais de cette ville, je me défie de ses louangeurs
Qui ne projettent qu’eux-mêmes vers leurs propres avenirs
Oubliant le petit peuple, le pays minéral, et ses grands maux
Je me désole de ces faiseurs de rien, ces géreurs d’illusions
Tous ces docteurs Frankenstein occupés à tuer le pays mourant

Que voulez-vous vous enorgueillir d’une arche qui abrite les affairistes
Et laisse à la férocité des « narcotiqueurs » une jeunesse déroutée
Et nous voilà ânonnant des slogans âcres : La Martinique avance !
Bien sûr, aveugle avec les aveugles, on pourrait faire comme si
Fier de ce qui éblouit mais jamais n’éclaire, piteusement fier

Et ce peuple est si bien instruit à suivre les balises officielles
Un peuple à l’encolure lestées pourtant de pléthoriques diplômes
Un peuple non souverain, de contremaîtres politiciens abouliques
Malgré la ruse des cravates hautaines bien serrées à même la gorge,
Jusqu’à l’étranglement, jusqu’à l’apoplexie, en continue décomposition.

Fort-de-France, ville archive de saisons maudites
Portant son nom comme une brûlure de fer rouge

Fort de France, obscène, marquée à la croupe
Putain d’un maître qui sans cesse la culbute

Fort de France une vessie urbaine poisseuse
Qui se débat à faire semblant d’être une ville

Un enkystement asphalté chef-lieu d’une île comptoir
Un étouffoir où vient survivre une populace aux abois

Fort de France tête névralgique d’un restant de colonie
Un petit bout d’anus de France gonflé de famine déguisée

Fort de France cette ville honteuse hystérique asthmatique
Périphérie d’un lointain Paris qui pour elle n’a que mépris

Fort de France, une vache pansue Avachie, aplatie
L’arrière-train livré à l’avanie des vents venants

Fort-de-France, la délurée, la prostituée
Fort-de-France la coloniale, triste capitale.

Mille fois, je te préférerai une capitale nouvelle, altière
Celle qui brandira un nom surgit de nos bouches en feu.

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Allez jeunesse indomptée

Allez jeunesse indomptée
Montez fièrement au tambour
Cramponnez-vous à sa crinière
Ceints de votre téméraire ardeur
Gravissez-en l’ardente soufrière

Dans la terre des luttes arides
D’autres ont tracé les sillons
Vous êtes la nouvelle semence
Vous êtes la tige sans courbure

Vous êtes les fruits mûrissants
Accomplissant l’exaltante promesse
Qu’annonçait l’audacieuse floraison !
Ouvrez la voix du renouveau

Le génie tambourinaire convoque ses novices
Bâtissez le temple de la nouvelle confrérie
L’esprit du tambour appelle ses officiants aguerris
Que parmi vous se dressent les nouveaux maîtres !

Jeunesse lucide et lumineuse
Chevauchez le tambour maître
Faîte trembler les carcans anciens,
Œuvrez sans relâche et sans défaillir
Écrivez pour demain l’hymne triomphale !