Fleur Pellerin quitte le ministère de la Culture sans avoir réussi à modifier une réputation de technocrate héritée de son passage par le Commerce extérieur et l’Economie numérique, renforcée par des déclarations maladroites.
Cette bosseuse au parcours sans faute, diplômée de Sciences-Po, de l’Ena et de l’Essec a pourtant réussi à stopper l’hémorragie du budget de la Culture, en baisse sous le mandat d’Aurélie Filippetti.
Les crédits de son ministère se sont stabilisés en 2015 et affichent une hausse de 2,7% pour 2016.
L’une de ses principales décisions aura été de relever fortement le crédit d’impôt pour le cinéma, qui a permis début 2016 de faire revenir en France des tournages de films français et de séries qui avaient tendance à se délocaliser.
Elle peut aussi revendiquer l’inscription de la liberté de création dans le projet de loi « Création et patrimoine », encore devant le Parlement.
Elle a, d’autre part, obtenu un accord au sein de la filière musicale pour une « juste répartition » des revenus issus du numérique, même si, là encore, le mise en oeuvre opérationnelle pose encore des questions.
Si le dossier brûlant des intermittents du spectacle a été réglé grâce à l’intervention directe du Premier ministre Manuel Valls, Fleur Pellerin a su négocier avec de nombreuses municipalités des « pactes » pour garantir les crédits à la culture sur trois ans.
Sur un plan plus symbolique, on l’a aussi vu très présente dans les salles parisiennes pour soutenir les spectacles dans la semaine ayant suivi les attentats du 13 novembre.
Sur le dossier des médias, elle a activement soutenu les survivants de Charlie Hebdo après l’attentat du 7 janvier, créant pour le journal un statut d’entreprise solidaire de presse.
Elle a ausi lancé une réforme des aides à la presse, pour les concentrer sur les titres généralistes, en évinçant des journaux condamnés pour racisme, antisémitisme ou incitation à la haine comme « Valeurs Actuelles », mais aussi au détriment de la presse people.
– Supplément d’âme –
Lors d’une grève historique à Radio France au printemps 2015, elle a nommé un médiateur qui est parvenu à apaiser le conflit, la direction ayant renoncé à un plan de départs volontaires
Mais il lui aura manqué pour marquer son passage le supplément d’âme associé au « ministère du Verbe » depuis André Malraux. Elle a sans doute pâti ne pas être issue du sérail culturel.
Deux mois après sa prise de fonction en août 2014, elle se déclare incapable de citer le moindre livre du prix Nobel Patrick Modiano, expliquant « ne plus avoir le temps de lire » depuis qu’elle occupe des fonctions ministérielles. La gaffe déclenche une polémique dans le monde de la culture et la ministre aura du mal à redresser le cap.
Sa sensibilité artistique – elle est pianiste et peint à l’occasion – ne suffit pas à combattre le cliché: on la surnomme « la ministre des jeux vidéo ».
Cette bosseuse, très au fait des dossiers économiques de son secteur, a pu donner une image d’amateurisme dans un reportage diffusé sur Canal+ l’automne dernier où on la voit incapable de dire ce que contiennent les rapports dans son bureau et de nommer l’auteur du tableau sur le mur…
Le mal est fait, et les rumeurs s’étaient multipliées ces dernières semaines sur son remplacement par Christiane Taubira, peu avare en envolées lyriques et en citations d’Edouard Glissant ou René Char.
C’est finalement la conseillère culture de François Hollande, Audrey Azoulay, issue de la même promotion de l’ENA que Fleur Pellerin, qui lui succède.