–— Par Marie-Josèphe Sellaye-Hardy Dessources, de l’ UFM —
Pour développer toutes les capacités, finissons-en avec les «jouets de filles» et des «jouets de garçons».
Noël, moment privilégié d’achat de jouets pour les enfants.
Comment, pour nous parents, grands-parents, taties etc… et plus particulièrement les femmes, qui sont le plus souvent chargées des achats, (et bientôt nous l’espérons beaucoup plus d’hommes), choisir celui qui fera plaisir à ceux et celles à qui ils sont destinés ? Mais que représentent réellement ces jouets ?
Objets culturels et sociaux, les jouets sont loin d’être neutres et anodins : à travers eux, les enfants intériorisent les rôles d’adultes, ceux que notre société patriarcale et capitaliste veut les voir assumer plus tard.
Les jouets y préparent chaque sexe et leurs permettent d’intégrer les règles instituées, les normes et les valeurs de notre société. Les jouets participent donc à la construction des enfants. Ils sont autant une source d’apprentissages que de plaisir !
Quels jouets, pour qui ?
Les jouets se répartissent en grande partie en deux univers arbitrairement cloisonnés : « pour filles » et « pour garçons ».
Aux filles, encore traditionnellement, les poupées, les gazinières, machines à laver, ménagères, fers à repasser…. Mais aussi les têtes à coiffer (blondes aux cheveux lisses, pour renforcer ainsi l’oppression sexuelle par l’aliénation raciale !), les trousses de bijoux ou de maquillages et les tenues de princesses, tout cela bien répertorié en rose dans les catalogues…
Aux garçons les jeux d’adresse et de construction, les voitures, les kits scientifiques ou techniques, qui font appel à la réflexion, à la technique et à la découverte scientifique du monde, qui favorisent la mobilité, la manipulation, l’invention et le goût de l’aventure… (dans les pages bleues, bien sûr !)
A travers eux, sont intériorisés les stéréotypes sexistes. Dès le plus jeune âge, la reproduction des genres féminin et masculin y est assurée : limité-e à l’univers perçu comme « correspondant à son sexe », chaque enfant va non seulement s’approprier des valeurs et rôles spécifiques, mais aussi développer davantage certaines capacités et compétences correspondant à cet univers, parce qu’il/elle les aura testées en jouant. Ce développement se fait donc au détriment d’autres compétences, laissées de côté.
Pour les filles, les rôles de future mère et femme modèle au foyer, mais aussi celui de s’exercer, dès l’âge le plus tendre, à attendre le Prince Charmant et, dans ce but, de cultiver leurs charmes, leur séduction.
Les garçons, à travers leurs jeux pourront s’imaginer journalistes, pilotes de course, cosmonautes ou aviateurs ou savants … mais aussi avec les panoplies de super héros avec armes sophistiquées et autres jeux de guerre, le héros viril, fort, guerrier, belliqueux. (…). Ainsi se forge une image de la virilité où l’homme est synonyme de force et de muscles.» (Serge Chaumier, La production du petit homme) Comment s’étonner que plus tard les hommes croient pouvoir résoudre le plus souvent les conflits par la violence?
Cela permettra plus tard d’argumenter sur les penchants « naturels » des un-es et des autres, et au nom de cela les séparer en 2 groupes distincts hiérarchisés : aux hommes les privilèges, les hauts salaires, la sphère publique (travail à l’extérieur, participation à la vie politique…) ; et aux femmes : la sphère privée, les emplois non rémunérateurs et précaires… et le travail domestique gratuit…les conduisant directement à la paupérisation jusqu’après leur retraite !
Des alternatives face au sexisme dans les jouets
A l’inverse, un décloisonnement des jouets ouvre aux enfants tout un champ de possibles. Chaque enfant peut alors librement découvrir et tester, et libre à lui/elle de se forger ainsi ses propres goûts, même s’ils ne correspondent pas aux clichés de genre.
De plus en plus de fabricants et de grandes surfaces l’ont compris. Si chez nous aussi on propose depuis quelques années des jeux qui conviennent aux deux sexes (jouets scientifiques, sportifs, de construction, éducatifs…), quand verrons-nous comme cela se fait depuis 1 ou 2 ans ailleurs des catalogues qui montrent des petits garçons jouant avec des poupons et des petites filles qui manipulent des grues ou brandissent des engins à fléchettes ?
Alors, en tant qu’adulte accompagnant des enfants ou choisissant leurs cadeaux, ne laissons pas nos stéréotypes limiter leurs potentiels. Osons innover comme par exemple :
– à la recherche d’un jouet, prenons le temps de faire plusieurs rayons et interrogeons les valeurs et compétences que favorisera celui sur lequel portera notre choix ;
– feuilletons avec les enfants l’entièreté des catalogues ;
– offrons des jouets non-sexistes, des jeux coopératifs, des albums sans clichés sexistes…
– privilégions les jouets qui laissent place à l’invention et élargissent la dimension du jeu ;
– encourageons la circulation des jouets entre garçons et filles ;
– instaurons en famille des temps où tout le monde joue avec les mêmes types de jeux (l’heure poupée, l’heure conte, l’heure petites voitures…)
Les camions, c’est aussi pour les filles.
Les poupées, c’est aussi pour les garçons.
Changeons de cap !
Marie-Josèphe Sellaye-Hardy Dessources
Union des Femmes de la Martinique