— Par Sarha Fauré —
Le Festival International du Film Documentaire Amazonie-Caraïbes (FIFAC) a une nouvelle fois confirmé son statut de rendez-vous incontournable du cinéma documentaire dans la région. Organisée à Saint-Laurent-du-Maroni, cette 6e édition s’est déroulée du 8 au 12 octobre 2024, transformant la ville en véritable centre culturel, avec une affluence qui a dépassé les 4000 participants. Ce festival est une plateforme privilégiée pour les réalisateurs, producteurs, cinéphiles et acteurs culturels des territoires de l’Amazonie et des Caraïbes, permettant de mettre en lumière les récits et réalités sociales spécifiques à cette vaste région.
Une programmation riche et engagée
Durant ces cinq jours intenses, le FIFAC a proposé une programmation variée, fidèle à l’ADN du festival, qui met à l’honneur des films engagés sur des thématiques sociales, environnementales et culturelles. Le public a pu assister à la projection de 37 films, dont 10 longs-métrages et 9 courts-métrages en compétition officielle, ainsi que 16 autres films présentés hors compétition dans la catégorie « Écrans parallèles ». Les films projetés ont abordé des sujets aussi divers que la lutte pour la préservation des ressources naturelles, les droits des communautés marginalisées, l’héritage post-colonial, ou encore les défis environnementaux dans cette région souvent au cœur de tensions socio-économiques.
Les projections, qui se sont déroulées dans des espaces emblématiques tels que le Camp de la Transportation, ont su captiver l’audience, avec des séances en plein air qui ont contribué à créer une atmosphère à la fois conviviale et immersive. En parallèle des projections, le festival a accueilli des tables rondes et des séances-rencontres, permettant aux participants d’échanger directement avec les réalisateurs et les équipes de production. Ces moments de dialogue ont renforcé l’idée que le documentaire, au-delà de sa fonction artistique, est un puissant outil de sensibilisation et de changement social.
Des films primés qui marquent les esprits
La cérémonie de clôture, tenue le 12 octobre dans le cadre chargé d’histoire du Camp de la Transportation, a vu la remise de cinq prix majeurs, soulignant l’excellence des œuvres présentées. Le Grand Prix FIFAC – France Télévisions, récompensant le meilleur long-métrage, a été attribué à « L’homme-vertige » de Malaury Eloy Paisley. Ce documentaire poignant, ancré dans la ville de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, dresse un portrait troublant de la vie urbaine et des mutations profondes qui marquent les habitants, errant comme des âmes en peine dans une ville prise entre passé colonial et modernité. Le jury, présidé par la réalisatrice haïtienne Gessica Généus, a salué la maîtrise de la réalisatrice dans sa quête poétique et viscérale, offrant une vision singulière des tensions sociales en Guadeloupe.
Le Prix du Jury a, quant à lui, été décerné à « Varado », réalisé par Nicos Argillet et Stéphane Correa. Ce film bouleversant traite des migrations brésiliennes en Guyane, en explorant les espoirs et les épreuves des migrants dans une région marquée par les défis de l’orpaillage clandestin. Le documentaire offre un regard intime sur la résilience humaine face à l’adversité, capturant la lutte pour la survie dans un environnement complexe.
Le prix du meilleur court-métrage a été attribué à « Palomar », de José Luis Jiménez Gómez, une production cubaine qui raconte l’histoire d’un jeune homme se liant aux pigeons en construisant un pigeonnier avec son père. Ce film, empreint de poésie et de réalisme, a su émouvoir le jury par la simplicité et la profondeur des émotions qu’il véhicule, reflétant la beauté des petites choses du quotidien dans un cadre social difficile.
Le Prix du Public a été remporté par « SAS est passé », un documentaire énergique de Chloé Bebronne qui met en lumière la culture urbaine guyanaise à travers le prisme du breakdance. Ce film dynamique suit une bande de jeunes passionnés de musique, créant un label indépendant en dépit des obstacles socio-économiques. Le public a été particulièrement touché par cette histoire de détermination et de créativité.
Enfin, le Prix des Lycéens a été attribué à « Les âmes bossales » de François Perlier. Ce documentaire, tourné en créole haïtien, explore les croyances spirituelles haïtiennes et plonge dans les racines culturelles d’un peuple marqué par l’histoire et les luttes pour l’identité. Ce choix témoigne de l’intérêt croissant des jeunes pour des récits ancrés dans l’histoire et les réalités contemporaines des peuples d’Amazonie et des Caraïbes.
Une clôture sous le signe de la diversité culturelle
La diversité des films en compétition, représentant 13 territoires différents (Brésil, Colombie, Costa Rica, Cuba, Guadeloupe, Guyane, Haïti, Martinique, Pérou, République Dominicaine, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Suriname et Venezuela), a permis de dresser un panorama riche et nuancé des réalités locales. Cette édition 2024 a ainsi renforcé la vocation du FIFAC à être un miroir des luttes sociales, environnementales et culturelles des peuples de cette région du monde, tout en célébrant la créativité et l’engagement des réalisateurs qui, souvent au péril de leur vie, documentent des histoires qui ne doivent pas être oubliées.
Avec un bilan plus que positif, le FIFAC 2024 s’est achevé dans une ambiance chaleureuse, laissant derrière lui des souvenirs impérissables. Ce festival, au-delà de la simple projection de films, a su créer des ponts entre les peuples et susciter des réflexions profondes sur les enjeux contemporains de la région. Rendez-vous est d’ores et déjà pris pour l’édition 2025, dans l’attente de nouveaux récits et de nouvelles voix à découvrir.