Festival de Cannes 2023: 500 cinéastes dénoncent les ingérences de l’industrie dans leurs créations

Des centaines de cinéastes, dont les frères Dardenne, dénoncent des ingérences de l’industrie sur leur travail artistique, dans un texte publié ce mardi 16 mai 2023, le jour de l’ouverture du Festival de Cannes

Déclaration des cinéastes

Nous, cinéastes, œuvrons au croisement « d’un art et par ailleurs d’une industrie » (André Malraux).

Nous portons la dimension artistique de cette industrie. Et c’est parce que les auteurs et les cinéastes sont libres que notre industrie est vivace.

Aujourd’hui, la diversité et la vitalité de notre secteur sont de plus en plus affaiblies par certaines pratiques qui contreviennent aux principes fondamentaux du droit d’auteur et à la liberté de création : scénarios modifiés, collaborateurs artistiques et castings imposés, films modifiés au montage par les diffuseurs, choix de musique prescrits, mutation de la fonction du réalisateur de créateur à exécutant, etc.

Ces pratiques, visant à contourner l’esprit initial de l’œuvre – donc implicitement de l’œuvre achevée – en invoquant des raisons commerciales, représentent immanquablement une forme de censure qui altère tout processus de création. Elles remettent en question la liberté d’expérimentation et aboutissent à invisibiliser l’auteur, en se rapprochant dangereusement de la notion de copyright qui prévaut sur le marché américain.

Ces pratiques n’ont leur place ni dans notre cinéma, ni dans l’audiovisuel où l’on constate déjà depuis longtemps cette même tendance.

Il est donc absolument essentiel de protéger notre statut d’auteurs et de réaffirmer notre droit moral, en rappelant que :

les éléments suivants doivent être décidés d’un commun accord entre l’auteur et le producteur, dont la collaboration et le rapport de confiance sont au cœur de notre création. Ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’addition, de suppression ou de changement sans l’accord, explicitement exprimé, du cinéaste :

· la version finale du scénario ;
· le titre du film ;
· la version finale du montage du film ;
· ce qui inclut les génériques de début et de fin du film.

le nom de l’auteur doit obligatoirement apparaître :

· au générique du film ;
· sur tout support promotionnel physique ou numérique ;
· sur tout canal de diffusion et support d’exploitation, sur la page de présentation du film le cas échéant (chaînes télévisées, plateformes en ligne de vidéo à la demande à l’acte ou par abonnement…).

Tout manquement aux points énoncés ci-dessus et/ou toute pression exercée pourraient être considérés comme une volonté de subordination, ce qui ouvrirait la voie d’une requalification du contrat de cession de droits en contrat de travail. Ceci pourrait impliquer la perte des droits d’exploitation de l’œuvre.

A la demande du cinéaste, toute infraction relative à ces points, de l’écriture au montage final, doit pouvoir être relevée et sanctionnée.

Par cette déclaration commune, nous nous engageons à n’accepter aucune dérogation à ces principes, et à ne signer aucun contrat ou accord qui y serait contraire.

Nous appelons tous les partenaires de notre exception culturelle à s’y engager également.

Publiée le 16 mai 2023 dans Libération

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