— par Janine Bailly—
Ce mardi 8 mars 2016, jour dédié aux Femmes, c’est dans la Salle du Conseil que Didier Laguerre, maire de Fort-de-France nous recevait, femmes et hommes au coude à coude, pour une soirée littéraire inédite. Quel plus beau lieu aurait-il pu nous ouvrir, autre que cette salle toute chargée de symboles et riche d’un supplément d’âme ? Sous quelle égide tutélaire autre que celle d’Aimé Césaire aurait-il pu placer cette rencontre originale et chaleureuse ? En prélude à la soirée, il trouva les mots justes, rappelant que ce jour n’était pas un jour de fête mais bien un point de départ, point de convergence des combats passés et des combats à venir pour la conquête des droits des Femmes. La ville de Fort-de-France ne sera d’ailleurs pas en reste, qui a signé le matin même la Charte Européenne des Droits des Femmes, s’inscrivant ainsi dans une dynamique qui vise à l’égalité entre tous. Le plan par lequel la ville s’engage, pour la période 2016/2020, ne porte-t-il pas le joli titre créole de Fanm Kon Nonm, Tout Moun sé Moun ?
Non seulement nous découvrons trois ouvrages publiés par trois femmes martiniquaises, présentes à la table de conférence, mais pour notre bonheur d’autres femmes sont venues, qui vont lire des extraits des deux romans présentés, la dernière des trois œuvres étant un essai, Regards croisés sur la Dominique et Sainte Lucie, commenté, et illustré d’un montage audiovisuel, par sa propre créatrice, Arlette Bravo-Prudent. Et comme pour prouver sans tarder qu’hommes et femmes veulent s’unir dans le même combat, c’est le bien connu « professeur-romancier-dramaturge » Alfred Alexandre qui nous présente Vini vann ! La boutique de Manzel Yvonne, première production de Arlette Pujar, livre « mémoire d’enfance », peinture d’une certaine Martinique des années passées et portrait d’une grand-mère porteuse des valeurs traditionnelles d’autrefois. Philippe Bourgade, dont les images Martinique des Mornes sont en parfaite adéquation avec ce sujet, a offert la très belle photographie en noir et blanc qui orne la première de couverture. Tieta, Méliane, Eunice, trois figures féminines de caractère, trois destins à lire aussi au cœur du roman de Anique Sylvestre, Que dansent les femmes-châtaignes. L’inceste et la loi du silence, qui dans nos sociétés pèsent trop souvent encore sur les femmes et les détruisent, sont un sujet difficile, courageusement abordé par l’écrivaine. Ce titre intrigant vient en fait d’un proverbe antillais : «fanm sé chatenn, i ka tonbé, i ka rilévé : la femme est cette châtaigne qui tombe et toujours se relève ». Et comme grande est l’émotion à l’écoute des paroles si fortes et sincères de Arlette Bravo-Prudent : « Les droits des femmes sont parfois une étrange chimère…Il reste des réalités sordides, notamment sur les lieux de travail…Il y a tant à faire encore, tant de mentalités à changer ! ». Déclaration close sur la phrase-culte de Léon Tolstoï : « Femmes, c’est vous qui tenez entre vos mains le salut du monde ! »
Hasard heureux des programmations ou coïncidence voulue, c’est aussi par les femmes que furent investies cette semaine les scènes théâtrales de la capitale. Sur le plateau de Tropiques-Atrium, sept comédiennes pour Les enfants de la mer, adaptation d’une nouvelle de Edwige Danticat qui sert de trame à la mise en scène de José Exélis. Pour conter la tragédie de celles qui vont prendre la mer, fuyant la dictature haïtienne, le choix est fait de marier narration, chant, musique et danse. Et s’il est vrai que la beauté des visages, le chatoiement des voiles colorés, la délicatesse ou la profondeur des chants composent des tableaux qui nous tiennent sous leur charme, il est pour moi dommage que le texte, souvent tragique, et parfois humoristique, soit davantage toile de fond que véritable dialogue. Peut-on y voir une extrême pudeur à parler ainsi de l’horreur qui fut l’apanage des sinistres tontons macoutes, l’esthétique prenant le pas sur les épisodes dramatiques ? Ou bien doit-on se dire que le contraste entre beauté et terreur confère sa force au spectacle ? Spectacle hybride donc, qui se laisse voir plus qu’écouter, qui peut emporter sur sa vague, mais qui n’est sans doute pas la lame de fond à laquelle on pourrait prétendre, s’agissant d’un sujet d’une telle gravité. Au même temps, au théâtre Aimé Césaire, c’est aussi des femmes que le metteur en scène José Alpha nous parlait par le truchement du texte de Tony Delsham, Tribunal des femmes bafouées. Mais les propositions culturelles nombreuses en cette saison font que je ne verrai le spectacle que ce jeudi, au TOM de la Croix-Mission !
Reprenant quelques mots de Monsieur le Maire, je dirai pour rappel qu’il faut lutter au quotidien, et que notre lutte, loin d’être un épiphénomène, doit rester présente à notre conscience. Peut-être cela apparaîtra-t-il comme un lieu commun de dire ici qu’il est encore de par le monde des pays où le corps des femmes est un champ de bataille, femmes enjeux de guerres sauvages, femmes violées torturées écartelées dans leur chair et dans leur âme. Cependant il est des lieux communs qu’il est bon de garder à l’esprit, et que jamais ne se perde notre goût de lutter pour l’avènement d’un monde meilleur, un monde pacifié où chacune et chacun trouverait sa juste place !
Le poète a toujours raison
Qui détruit l’ancienne oraison
L’image d’Ève et de la pomme
Face aux vieilles malédictions
Je déclare avec Aragon
La femme est l’avenir de l’homme
Jean Ferrat
J.B. Fort-de-France le 13 mars 2016, Photos : Paul Chéneau
PS : voici les priorités identifiées, telles qu’inscrites dans le plan Égalité Femmes/Hommes
1. Développer les outils permettant d’objectiver et de développer les actions Égalité Femmes/Hommes. 2. Assurer l’exemplarité au sein de l’Institution municipale. 3. Sensibiliser les jeunes dès le plus jeune âge sur l’Égalité Femmes/Hommes. 4. Favoriser les actions permettant l’égalité professionnelle sur tout le territoire foyalais. 5. Favoriser la promotion de la santé, du sport, et l’accès à la culture auprès des femmes. 6. Lutter contre les violences faites aux femmes.