— Par Hélène Lemoine —
Il y a 77 ans, le 29 mars 1947, marque le point de rupture décisif dans l’histoire de Madagascar, lorsque le pays s’est enfoncé dans une insurrection audacieuse et déterminée. Aux alentours de 22 heures, les insurgés malgaches, empreints d’un profond désir d’indépendance, lancent une attaque audacieuse contre la caserne militaire française de Moramanga, située dans le cœur du pays. Cet acte marque le début d’une révolte qui transcende les limites géographiques de Moramanga pour se propager comme une onde de choc, englobant toute l’île de Madagascar.
L’objectif des insurgés est clair et sans équivoque : prendre les armes contre les forces colonisatrices, symbolisées par la présence militaire française, et déclencher une révolte nationale en vue de libérer Madagascar de l’emprise coloniale. Ce geste audacieux est alimenté par un profond ressentiment envers les injustices subies par le peuple malgache, exacerbées par des années de réquisitions brutales, de travail forcé et de mépris envers la dignité humaine. La population, étouffée par les politiques oppressives du pouvoir colonial, embrase la flamme de la résistance, aspirant à un avenir libre et indépendant.
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L’épisode sanglant qui s’ensuit s’étend sur plus d’une année, plongeant Madagascar dans une spirale de violence, de lutte et de répression brutale. Les ruelles et les collines de l’île deviennent le théâtre de combats acharnés entre les insurgés déterminés et les forces coloniales, mettant en lumière la quête ardente de la population malgache pour la liberté. Les villages deviennent des zones de confrontation, les maisons des colons français sont attaquées de nuit par des insurgés munis de sagaies, de couteaux et de haches, symbolisant la détermination farouche de la population à briser les chaînes de l’oppression.
Cette période de turbulence voit l’insurrection se propager du quart sud de l’île et de la côte sud-est vers la région de Tananarivo dans le Centre, puis s’étendre à toute la région des hautes terres, de Fianarantsoa au lac Alaotra, au nord de Tananarivo en avril 1947. Les insurgés, initialement au nombre de 2 000, voient rapidement leurs rangs s’étoffer, rassemblant bientôt environ 20 000 personnes, dont de nombreux paysans du Sud de l’île. Munis de leurs armes rudimentaires, de talismans et de potions magiques, ils s’en prennent non seulement aux colons français mais aussi aux Malgaches travaillant pour l’administration coloniale.
Le conflit évolue rapidement vers une guerre coloniale, marquée par des massacres brutaux touchant largement la population civile. Les troupes françaises, initialement 8 000 au début de l’insurrection, voient leurs effectifs renforcés pour atteindre 18 000 hommes. Un pont aérien est établi entre la France et Madagascar, illustrant l’ampleur des forces déployées pour écraser la révolte. Les combats se prolongent jusqu’à la fin de l’année 1948, avec la capture des principaux chefs insurgés en septembre de cette année.
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La contribution des femmes pendant l’insurrection de mars 1947 à Madagascar ne se limite pas à une simple participation aux côtés des hommes. Bien au contraire, elles ont joué un rôle multifacette, dépassant les frontières traditionnellement assignées aux femmes dans la société de l’époque. Les archives révèlent que nombre d’entre elles étaient non seulement actives sur le front de la résistance armée, mais aussi essentielles dans l’organisation logistique et la communication clandestine.
Les femmes insurgées ont opéré dans l’ombre, créant des réseaux de communication clandestins qui ont permis la transmission efficace d’informations cruciales entre les différents villages en lutte. Leur rôle en tant que messagères, souvent sous-estimé, a été vital pour la coordination des actions entre les insurgés dispersés sur l’île. Ces canaux de communication ont favorisé une résistance mieux coordonnée, contrecarrant ainsi les efforts de répression de l’armée coloniale.
Par ailleurs, certaines femmes se sont illustrées par leur engagement intellectuel et leur rôle dans la sensibilisation de la population. Des figures telles que Zèle Rasoanoro, la journaliste emprisonnée de 1948 à 1950, ont joué un rôle crucial dans la diffusion des idéaux de l’indépendance et de la lutte contre l’oppression coloniale. Elles ont animé des cercles de discussion, partageant des idées et des perspectives qui ont contribué à forger une identité nationale en gestation.
L’engagement des femmes dans l’insurrection de 1947 ne se limite pas à des actes de résistance armée ou à des activités clandestines. Les femmes ont également assumé des responsabilités cruciales au sein des communautés insurgées. Leur rôle en tant que piliers sociaux et familiaux a été exacerbé par les conditions difficiles de la guerre. Elles ont souvent été les principales pourvoyeuses de soutien émotionnel et matériel aux combattants, tout en faisant face aux conséquences dévastatrices de la répression sur les familles.
Malheureusement, l’héritage des femmes insurgées demeure souvent dans l’ombre de l’histoire officielle. Leur contribution, bien que cruciale, a été minimisée, reléguée à des noms dans des listes sans reconnaissance appropriée. Aujourd’hui, il est impératif de remettre en lumière ces histoires oubliées et de reconnaître le rôle déterminant des femmes dans la quête de l’indépendance de Madagascar. Célébrer leur résilience, leur courage et leur sacrifice devrait être une partie intégrante des commémorations annuelles de l’insurrection de mars 1947, honorant ainsi un aspect essentiel mais longtemps négligé de l’histoire malgache.