— Par Muriel Ameller, George Arnauld, Huguette Bellemare, Lydia Ramaël —
« Les hommes qui agissent dans notre pays »… « Les grands hommes qui font ce pays »… « Bonjour à tous »… « Les hommes politiques »… «Bonsoir chers téléspectateurs »… « Ceux qui nous ont fait le plaisir d’être là aujourd’hui » (il y a 80% de femmes !)… Et même, pour le comble, cette interpellation : « Messieurs les hommes politiques ! »…
… Pourtant grâce à d’âpres et courageuses luttes individuelles et collectives, les femmes ont conquis l’accès à tous les postes professionnels, politiques et économiques. Mais ce langage commun refuse d’enregistrer ces avancées.
Cependant, aujourd’hui, de plus en plus, les femmes se révoltent contre ce déni et réclament la féminisation des titres, des appellations et des discours, ce qui est d’ailleurs inscrit dans la loi. Les femmes veulent sortir de cet exclusivement masculin que l’on prétend neutre (ex : « tous ») ou générique (« homme avec un grand H » !), mais dans lequel elles se sentent niées. Pourquoi ?
C’est que ce langage ne reflète pas la réalité de la société : numériquement, nous sommes la moitié de la population, et nous sommes présentes dans toutes les professions. L’utilisation exclusive du masculin date de l’époque où les femmes étaient écartées des professions et fonctions les plus prestigieuses et la société, soumise à l’ordre patriarcal.
Le refus de nous nommer nous maintient, que le locuteur le veuille ou non, dans une posture d’inégalité et rend invisibles nos luttes et nos conquêtes : “seul ce qui est nommé existe” (Agnès Callamard)
Ce discours rétrograde élève la jeune génération dans des stéréotypes archaïques concernant le rôle et la place de chacun des sexes. Les garçons vivent dans la conviction illusoire qu’ils sont de naissance des êtres supérieurs et que les filles doivent leur être complètement soumises. Les filles, elles, réduites à des rôles de potiches ou de boniches, sont privées de modèles positifs, leur estime de soi en est diminuée et elles ne s’approprient pas la mémoire des luttes de leurs mères pour l’émancipation des femmes. Aussi, leur capacité à revendiquer ces acquis et à se battre pour eux est amoindrie.
Bref, le refus de féminisation du discours fige la société et est un obstacle au changement social.
Certains – et certaines ! – ne féminisent pas tout simplement parce qu’elles ou ils n’y pensent même pas. D’autres s’obstinent à refuser la féminisation en prétextant qu’il faut protéger la « belle langue française » en évitant qu’une féminisation abusive ne l’alourdisse et ne l’enlaidisse définitivement.
Mais si elles ou ils trouvent les féminins lourds, laids, voire « ridicules », c’est justement parce qu’ils et elles n’en ont pas (encore) pris l‘habitude. Ou alors, qu’ils et elles sont intéressé-e-s à maintenir le statu quo et de mauvaise foi. En fait, La fréquence fait toute la différence : toute forme sera acceptée si elle est employée couramment.
Une langue n’est pas immuable mais évolue au gré des besoins, des changements sociaux. D’ailleurs, beaucoup de « métiers » (infirmière, secrétaire, sage-femme, coiffeuse, vendeuse…) ont toujours été féminisés. En fait, la langue n’a jamais cessé de créer des formes féminines : le mot « avocate » était proscrit au XIXe s, aujourd’hui, personne n’y trouve plus à redire. Et plus personne ne se sent les oreilles écorchées par « la ministre » ou « la présidente ».
Se battre pour la féminisation du langage c’est reconnaître une évolution de la société où les femmes ont toute leur place ou sont en lutte pour la conquérir.
C’est un devoir aujourd’hui de poser les bases d’une société libérée des stigmates de la domination masculine pour les générations futures et de leur tracer la route d’une société égalitaire. Les hommes pro féministes et démocrates sincères doivent soutenir notre combat, pour « qu’en reflétant les changements sociaux, la langue transforme à son tour les mentalités » (L.L.Larivière).
Alors, femmes rendues un peu plus visibles grâce à un rôle prestigieux, exigez la féminisation de vos titres par solidarité avec vos sœurs et vos filles !
Femmes et hommes politiques, journalistes, artistes…, un effort afin que les citoyennes se sentent concernées par vos discours !!!
Muriel Ameller, George Arnauld, Huguette Bellemare, Lydia Ramaël