— Par Hélène Lemoine —
Les féminicides, définis comme le meurtre de femmes en raison de leur genre, ont émergé comme une problématique sociale majeure en France. Chaque année, plus de 100 femmes sont tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, mettant en lumière la violence conjugale persistante. L’utilisation du terme « féminicide » a connu une évolution significative au fil des années, reflétant une prise de conscience croissante de cette réalité tragique.
L’origine du mot remonte à l’époque romaine, où le terme « uxoricide » était utilisé pour décrire le meurtre de l’épouse. Cette notion de tuer sa femme trouvait son fondement dans le droit romain, permettant au mari d’excuser son crime en cas de suspicion d’adultère. Bien que le terme ait évolué au fil des siècles, il a persisté dans le langage juridique et social, évoluant vers le concept contemporain de « féminicide ».
La véritable prise de conscience du féminicide en France a eu lieu au tournant de 2019, marquée par des événements clés. L’affaire Daval, où Jonathann Daval a avoué le meurtre de sa femme Alexia, a joué un rôle majeur dans cette prise de conscience. La marche blanche en hommage à Alexia Fouillot a mobilisé l’opinion publique et souligné la nécessité de s’attaquer à la violence conjugale. Parallèlement, la mort de Julie Douib en Corse a suscité un émoi national, conduisant le gouvernement à lancer le Grenelle contre les violences conjugales en 2019.
L’année 2019 a été un tournant crucial, marqué par l’inclusion du terme « féminicide » dans Le Petit Robert, un signal fort de sa reconnaissance dans le langage courant. Cette démocratisation du terme a été soutenue par des personnalités politiques telles qu’Édouard Philippe et Marlène Schiappa, renforçant son utilisation dans le discours public.
L’étymologie du mot « féminicide » révèle sa racine latine, dérivée de « femina » signifiant femme, et du suffixe « -cide » indiquant le meurtre. Cette définition trouve son origine dans la volonté de spécifier les violences subies par les femmes en raison de l’asymétrie de genre. Au fil du temps, le terme a évolué pour englober diverses formes de meurtres de femmes liées à leur identité de genre.
La définition du féminicide selon l’OMS et l’ONU distingue plusieurs catégories, dont le féminicide intime, lié à la dot, non intime, et le crime d’honneur. Cette classification souligne la diversité des contextes dans lesquels ces tragédies se produisent, de la sphère familiale à des situations plus larges telles que les conflits armés.
La France a adopté une définition plus restrictive du féminicide, exigeant que le meurtre soit motivé par l’identité de genre de la victime pour être qualifié en tant que tel. Cette distinction vise à établir une frontière claire entre les meurtres génériques et ceux motivés par la haine de genre.
L’utilisation du terme « féminicide » dans le discours public a été encouragée par des personnalités influentes, notamment l’historien Frédéric Chauvaud. Selon lui, nommer ces tragédies est essentiel pour reconnaître et sensibiliser l’opinion publique à ce problème sociétal. Cependant, des débats persistent quant à son inclusion dans le Code pénal français, certains le considérant comme une nécessité pour renforcer la reconnaissance sociale, tandis que d’autres craignent que cela ne divise l’humanité en deux catégories.
L’enjeu du féminicide dépasse la simple question de la terminologie. Il révèle les mécanismes complexes de possession et de perte de contrôle dans les relations abusives. La procureure Charlotte Beluet souligne que le féminicide est un crime de possession, où la femme est tuée parce qu’elle est vue comme un objet appartenant à quelqu’un d’autre. La volonté de rompre, de quitter le domicile conjugal, ou la crainte d’un adultère peuvent déclencher des actes irréversibles dans une dynamique de perte de contrôle.
La démocratisation du terme « féminicide » vise à rendre visible un phénomène qui persiste dans l’ombre. Il est important de nommer les choses pour reconnaître l’existence d’un problème. Cependant, des résistances subsistent, notamment en ce qui concerne son inscription dans le Code pénal.
En conclusion, le féminicide en France a émergé comme un défi social majeur, mettant en lumière la nécessité de reconnaître et de lutter contre la violence conjugale. L’évolution du terme « féminicide » reflète la progression de la prise de conscience de cette réalité tragique, tout en suscitant des débats sur son utilisation et son intégration dans le cadre juridique. La lutte contre le féminicide nécessite une approche holistique, englobant la sensibilisation, la prévention et la justice pour transformer la société vers un avenir où de tels actes horribles ne seront plus tolérés.