— Par Danielle Louise Alexandrine —
Nous avons été nombreux, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et en France métropolitaine à voir ces images de soignants cubains en blouses blanches, drapeau national fièrement déployé, se faire accueillir en grande pompe par le Président du Conseil Exécutif de la CTM et le Directeur du CHU. Un commentaire suivait, relayé par France 2 et par la plupart des grands quotidiens français : « 15 soignants cubains sont arrivés en Martinique le vendredi 26 juin, afin d’aider à lutter contre la pandémie de coronavirus. C’est une première en France, et un moment dont l’histoire du pays se souviendra. Les médecins cubains ont débarqué sur le sol martiniquais depuis La Havane, par un vol spécialement affrété. L’accueil a été solennel, avec le drapeau et l’hymne national cubain. »
Sur la chaîne locale, le directeur du CHU dont l’intervention a été quelque peu occultée par celle, tonitruante mais accueillante du Président du Conseil Exécutif de la CTM, a ajouté « actuellement, on est vraiment en train de gérer la crise de retard de soin, on a une très grosse activité, la crise nous inquiète un peu ». Au vu de ces images d’une solidarité hautement médiatisée, d’aucuns ont pensé que le/la journaliste avait fait une erreur et voulait parler de la Guyane où la pandémie est en période de recrudescence, le CHU de Martinique se chargeant de former des soignants pour aider la population guyanaise. D’autres se sont inquiétés de la santé de leurs proches vivant loin d’eux. Pourquoi leur avait-on caché l’ampleur de l’épidémie et le désarroi des équipes médicales ?
Il ne peut nous être que profitable…
Enfin, certains éventuels touristes, rêvant de vacances déconfinées sous le ciel des Tropiques, ont remis leurs projets à plus tard. Pourquoi venir en Martinique si la pandémie est si forte qu’il faut faire appel à des médecins cubains ? Que pensent les acteurs du tourisme de cette information ? A ce jour, semble-t-il, personne n’a jugé bon de faire un point clair sur la situation sanitaire en Martinique et d’apporter quelques précisions quelque peu rassurantes. En fait, la réalité est plus près de la gestion d’une pénurie chronique en matière sanitaire que de la situation de crise.
En effet, le CHU de Martinique, comme de nombreux autres CHU de Métropole, souffre d’un déficit de médecins et plus particulièrement de médecins dans certaines spécialités. La faute en revient à une politique datant de plus de 15 ans (numerus clausus) qui n’a pas permis à de nombreux étudiants, souvent brillants, de franchir le cap de la première année de médecine.
En métropole, pour pallier cette pénurie, on accueille des médecins roumains, polonais, tchèques, tunisiens, marocains et de bien d’autres nationalités qui trop contents de trouver un cadre propice et moderne à l’exercice de leurs fonctions et à la réalisation de leurs vocations, acceptent souvent d’être moins bien payés et traités que leurs collègues français. En Martinique, bien des médecins étrangers venant d’Europe ou d’Afrique exercent également avec grand professionnalisme dans les différents services du CHU.
Il semble cependant tout à fait logique, la loi le permettant maintenant, de faire venir des médecins d’une île de la Caraïbe, réputée par la qualité de la formation de ses médecins, à savoir Cuba.
Coronavirus, pourquoi s’en servir comme prétexte ?
Les accords d’échange datant de plusieurs mois ont été finalisés et il ne peut nous être que profitable de bénéficier de l’aide des médecins cubains arrivés récemment. Pour ces soignants hispanophones dont la compétence ne fait aucun doute, reste cependant à prévoir un temps d’adaptation à la langue, aux appareils et aux techniques parfois à la pointe du progrès, utilisés au CHU et dans les cliniques de l’île. Trois mois ne seront pas de trop ! Quant au Coronavirus, pourquoi s’en servir aujourd’hui comme prétexte ?
Nous avons été peu touchés par rapport à certaines régions de France métropolitaine (sur cent lits de réanimation prévus, trente ont été occupés au pic de la crise et on n’a hélas déploré qu’une quinzaine de morts… de trop). Le virus circule peu et si actuellement quatre malades sont en réanimation, il s’agit de quatre patients arrivés récemment de Guyane et d’une autre île voisine. Il convient cependant de continuer à se protéger et de respecter les gestes barrières, ceci d’autant plus que les vacanciers originaires de Martinique, les petits-enfants rendant visite à leurs grands-parents, les fonctionnaires en congé bonifié seront bientôt présents sur l’île, vecteurs potentiels du Covid.
Et si cette information alarmiste, mais inexacte, était une façon originale d’inciter les touristes à choisir une autre destination que notre belle île … et ainsi à nous protéger ?
Félicitations aux équipes médicales martiniquaises qui ont su gérer la récente période critique et bienvenue aux soignants cubains !
Danielle Louise Alexandrine