— Par Gérard Le Puill, Journaliste et auteur —
Le réseau Syrpa des « agri-communicants » a donné semaine dernière à Paris son analyse sur le premier mois des débats qui se sont tenus au sein des ateliers mis en place dans le cadre des Etats généraux de l’alimentation.
La seconde phase a débuté le 2 octobre tandis que le président Macron doit s’exprimer sur le sujet le mercredi 11. Les ateliers 5 et 7 étaient les lieux de débats les plus attendus en septembre. Il s’agissait pour le premier de « rendre les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs ». Encore faut-il pour cela convaincre les enseignes de la distribution et leurs centrales d’achat de payer le juste prix d’où le rôle de l’atelier 7 dans lequel on débattait pour « améliorer les relations commerciales et contractuelles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs ».
Scrutant ce qui s’est dit sur le sujet via internet et dans les journaux durant ce mois d’échanges dans les salons feutrés du ministère de l’Agriculture, le réseau Syrpa a compté 50.000 mentions sur internet, ce qui est relativement faible. Mais les 3.000 mentions relevées dans la presse constituent un chiffre plutôt élevé. Le ministère de l’Agriculture a été très discret sur un sujet dont il assurait le pilotage tandis la FNSEA a beaucoup communiqué, tant sur les réseaux sociaux que dans la presse spécialisée et généraliste. Les Jeunes Agriculteurs ont surtout communiqué auprès de leurs adhérents tandis que les syndicats minoritaires que sont la Confédération paysanne, la Coordination rurale et le MODEF ont été plus discrets sans toutefois être absents des débats.
A l’arrivée, les vigies du réseau Syrpa confirment que ce sont bien Michel-Edouard Leclerc et l’association de consommateurs UFC –Que Choisir qui se sont montré les plus hostiles à toute idée de rémunération décente du travail des paysans. Les deux ont défendu, bec et ongles, le seuil de revente à perte. Cette technique commerciale des distributeurs consiste à obtenir des fournisseurs des prix nettement plus bas que le prix de revient, histoire de faire venir beaucoup de monde dans les magasins et de vendre ponctuellement plus de marchandises.
La Coordination rurale a tenté de sensibiliser les parisiens et les députés la semaine dernière sur un partage moins inéquitable de la valeur ajoutée en distribuant du pain. Ses militants ont expliqué que prix du blé payé au paysan pour produire une baguette à 1€ n’est que de 3 centimes. Ce syndicat déclare dans un communiqué que « le véritable problème des agriculteurs ne peut pas trouver de solution en dehors d’une interdiction de leur payer leurs produits, qui nourrissent la population à un prix inférieur à ce qu’ils ont coûté à produire ».
La filière du comté racontée à Macron par le MODEF
Le MODEF n’a été autorisé à intervenir que dans quatre ateliers. Mais Jean Mouzat , son président , indique dans le mensuel « L’Exploitant familial », qu’il a pu, lors d’une rencontre avec Emmanuel Macron , expliquer au président de la République qu’il y avait des formes de contractualisation qui permettent de rémunérer tous les maillons de la filière tout en donnant satisfaction au consommateur. Il lui a décrit le fonctionnement de la filière du fromage en Appellation d’Origine Protégée(AOP) comté, dont le cahier des charges et la maîtrise des volumes produits par chaque coopérative permettent de payer le lait à plus de 45 centimes le litre au lieu des 33 centimes de moyenne par la plupart de laiteries des autres régions de France . Le chef de l’Etat, qui découvrait le sujet, a promis de s’y intéresser.
Présente dans tous les ateliers, la Confédération paysanne, résume ainsi leur fonctionnement par la voix de Nicolas Girod, secrétaire national : « Nous avons participé, contribué et investi du temps de nombreuses réunions d’ateliers. Qu’y avons-nous trouvé ? Aucun cadre clair et une grande majorité de présidents d’ateliers dès le départ juges et parties, orientant parfois les débats dans leur propre intérêt ».
Dans un entretien au Monde des 8 et 9 octobre, Christiane Lambert indique qu’il faudrait « établir des contrats entre les producteurs et les industriels qui prennent en compte les coûts de production des agriculteurs. Cette notion doit être intégrée dans les contrats de deuxième niveau entre les industriels et la distribution avec une clause de renégociation en cas de fluctuations des prix agricoles ». A propos de cette première phase de discussion, la présidente de la FNSEA estime qu’il « sera plus facile de faire un bilan après la prise de parole d’Emmanuel Macron prévue le 11 octobre lors d’un déplacement dans la Manche ».
C’est là que le socialiste Stéphane Travert a été élu député de La République En Marche avant de devenir ministre de l’Agriculture après Jacques Mézard, muté à la Cohésion des territoires après quelques semaines à l’Agriculture. Hier midi, sur France France 3, Stéphane Travert a livré aux téléspectateurs trois informations capitales à ses yeux: Il a adhéré au Parti socialiste à 18 ans et en est toujours membre puisqu’il a payé ses cotisations jusqu’au 31 décembre prochain. Mais au mois de janvier il rejoindra La République En Marche. Pour ce qui est des Etats généraux de l’alimentation, il préféré botter en touche en attendant l’allocution du chef de l’Etat.
Où l’on revient toujours au rapport de la Commission Attali rédigé par Macron
Alors que l’Association Nationale de l’Industrie Alimentaire (ANIA) est demandeuse de régulation au niveau des relations commerciales, la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) voudrait « d’une part un indice officiel sur l’évolution des coûts et des cours agricoles par produit et marché » qui « justifie et fonde l’évolution des tarifs commerciaux ». Elle revendique partant de là « que, d’autre part, soit obligatoire auprès des distributeurs l’application des tarifs commerciaux des transformateurs ». Selon cette fédération, « relever le seuil de revente à perte majoré (ce que demande la FNSEA, ndlr) ne garantit absolument pas l’augmentation des agriculteurs».
Il est possible que la FEEF n’ait pas tort sur ce point. Michel-Edouard Leclerc le dit aussi. Mais lui, il sait très bien pourquoi il défend le système actuel. C’est lui qui, dès 2007, a demandé à Nicolas Sarkozy de faire voter une loi donnant plus de pouvoir aux centrales d’achat pour piller leurs fournisseurs directs ou indirects avec le vote de la Loi de modernisation économique (LME) en 2008. C’est pour lui que…
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