Le 30 décembre 2024, le gouvernement de Trinité-et-Tobago a officiellement proclamé l’état d’urgence, une mesure exceptionnelle face à l’augmentation dramatique de la criminalité, en particulier des assassinats, qui secoue le pays. Cette décision a été prise sur la recommandation du Premier ministre Keith Rowley, après un avis des autorités sécuritaires, notamment du Conseil de sécurité nationale et de la police, qui ont alerté sur l’intensification de l’activité criminelle menaçant gravement la sécurité publique. Le rapport détaillait notamment une hausse des homicides, qui a atteint 623 meurtres en 2024, contre 577 en 2023 et 599 en 2022, un chiffre en constante augmentation depuis plusieurs années.
Le procureur général, Stuart Young, lors de sa conférence de presse, a expliqué que la déclaration de l’état d’urgence était directement liée à ce climat d’insécurité de plus en plus inquiétant. Selon lui, 61 assassinats ont été enregistrés rien qu’en décembre, accentuant l’urgence de la situation. Les autorités ont précisé que cette mesure exceptionnelle n’imposerait pas de couvre-feu ni de restrictions à la circulation des citoyens, contrairement à d’autres états d’urgence dans le monde, afin de ne pas perturber l’économie nationale, un point sensible dans un pays où la population est déjà soumise à de nombreux défis économiques. En revanche, des pouvoirs renforcés seront accordés aux forces de l’ordre pour lutter plus efficacement contre les bandes criminelles qui gangrènent le pays.
Une des dispositions majeures de cet état d’urgence est la possibilité pour les forces de l’ordre de mener des perquisitions sans mandat judiciaire, que ce soit dans des propriétés privées, des véhicules ou même des embarcations suspectées de cacher des criminels ou des armes. Ces nouvelles mesures visent à offrir aux autorités les outils nécessaires pour intercepter plus rapidement les criminels et confisquer leurs équipements. Le ministre de la Sécurité nationale, Fitzgerald Hinds, a indiqué que, jusqu’à la date du 26 décembre, 551 fusillades avaient été recensées, marquant une « épidémie » de violence armée dans le pays. Ces fusillades, souvent liées à des conflits entre gangs rivaux, ont laissé de nombreuses victimes, en particulier dans les zones urbaines les plus touchées par la délinquance.
Une autre mesure clé de l’état d’urgence est l’extension de la durée de détention des suspects. Les autorités pourront désormais détenir un suspect jusqu’à 48 heures sans inculpation. Cette période pourra être prolongée à sept jours, sous réserve d’une approbation judiciaire, offrant ainsi plus de latitude pour mener des enquêtes approfondies avant toute mise en accusation formelle. Un tribunal spécial sera également mis en place pour traiter de manière prioritaire les affaires en lien avec l’état d’urgence. Cette initiative vise à accélérer le traitement des dossiers criminels et à réduire les arriérés judiciaires qui compliquent souvent la lutte contre la criminalité.
Malgré la gravité de la situation, le gouvernement a assuré qu’aucune restriction de déplacement ne serait imposée à la population. L’armée, en état d’alerte, soutiendra les forces de police pour garantir l’application des nouvelles mesures et maintenir l’ordre public. Le pays, qui compte environ 1,4 million d’habitants, a déjà connu une déclaration similaire de l’état d’urgence en 2011, bien que cette précédente mesure ait été plus ciblée et limitée à des zones spécifiques. En revanche, cette fois-ci, les autorités semblent plus déterminées à étendre l’état d’urgence à l’ensemble du territoire, afin de combattre les bandes criminelles qui opèrent de manière de plus en plus violente et organisée.
Les autorités ont également souligné que le principal défi résidait dans l’armement sophistiqué des groupes criminels, qui utilisent des fusils d’assaut de type AK-47 (Kalachnikov) et AR-15, rendant leurs actions particulièrement meurtrières et difficiles à contrer. Les gangs sont souvent responsables de violences extrêmes, incluant des homicides multiples, des braquages et des actes de terreur dans certaines régions.
Initialement, l’état d’urgence a été déclaré pour une durée de 15 jours, mais il pourrait être renouvelé pour une période pouvant aller jusqu’à trois mois. Le gouvernement n’exclut pas également la possibilité d’une prolongation jusqu’à la période du Carnaval, un événement majeur dans le pays, durant lequel les tensions et les rassemblements populaires peuvent parfois exacerber les risques de violence. L’intensification de la lutte contre les groupes criminels s’annonce donc comme une priorité pour l’exécutif, qui souhaite mettre fin à l’escalade de la violence qui affecte non seulement la sécurité des citoyens mais aussi la stabilité économique du pays.
Dans l’ensemble, cette décision de déclaration de l’état d’urgence à Trinité-et-Tobago marque une nouvelle étape dans la réponse des autorités face à un climat de violence de plus en plus insoutenable. Si certains craignent que ces mesures exceptionnelles n’entraînent des dérives, d’autres estiment qu’elles sont nécessaires pour restaurer la sécurité et la paix dans un pays où l’incertitude sociale et économique se mêle à la violence criminelle.